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A Montbrison-Précieux, les vaches laitières pâturent, les veaux laitiers tètent les vaches

« Mumu laisse téter les veaux ! Tajine et Toscane, venez téter ! » sont ce que nous entendons à l’approche de la stabulation de Précieux. Nous découvrons une directrice d’exploitation en bottes qui interpelle ses vaches et qui nous confie qu’elle connait chacune par son nom. Valentine Quemin, directrice de l’exploitation du site de Montbrison-Précieux, a un parcours atypique. Après des études en éthologie à l’Université des sciences de Saint Etienne puis en productions animales à Tours, Valentine voulait « faire bouger les choses et être au contact des animaux ». Elle est partie traire en Nouvelle Zélande avant de piloter la ferme de Précieux. Tout au long de la visite, Valentine caresse ses vaches.

A Montbrison, le territoire a la réputation d’être un bassin laitier intensif avec un fort potentiel de production de maïs grâce à l’irrigation. « Nous essayons de faire bouger un petit peu les pratiques » nous explique Valentine.

 

Conserver les veaux avec les vaches laitières, une révolution ?

Ici, à la naissance, les veaux ne sont pas séparés de leur mère : les vaches laitières Prim’Holstein nourrissent leur veau pendant toute la durée de production du colostrum. La vache nouvellement vêlée est également traite pendant cette période puisque les besoins du veau sont inférieurs à la production de la vache. Si cette période « mère-veau » de 4 à 5 jours se passe bien, mère et veau passent en case collective et rejoignent des nourrices qui chacune élèvent plusieurs veaux. « Si elle est sympa avec les autres veaux, elle devient nourrice et vient prendre la place d’une nourrice déjà présente » nous explique Valentine. Dans le cas inverse, elle va rejoindre le troupeau des vaches laitières. Valentine note le comportement des vaches bien qu’« il soit possible que ce ne soit pas reproductible d'une année sur l’autre ». Valentine complète : « Nous faisons adopter les veaux à une vache qui accepte bien les tétés multiples. L’objectif est qu’une nourrice alimente trois veaux ». Les vaches nourrices continuent à être traites une fois par jour si besoin. Dans la case collective, des niches ont été aménagées avec du foin, des minéraux, de l’argile pour que les veaux puissent compléter l’alimentation lactée et s’isoler s’ils en éprouvent le besoin. Le sevrage a lieu vers deux mois.

Cette pratique contribue aux attentes des consommateurs pour un lait plus éthique. Et les premières conclusions sont plutôt très encourageantes : « nous ne soignons plus de veaux malades de problèmes gastro intestinaux ou pulmonaires » observe Valentine. Elle admet qu’il faut être très technique, il faut observer les vaches et les veaux, traire des quartiers si nécessaire. « Par exemple, hier, j’ai observé que le veau de Réplique n’a pas tété Mumu, alors aujourd’hui, j’ai décidé de remettre Réplique » nous concède Valentine. Il s’agit bien d’un pilotage très fin, rien n’est écrit à l’avance, il faut ajuster au quotidien.

Cette pratique a généré de nombreuses questions voire des inquiétudes : augmentation des cellules dans le lait pour les vaches, dégradation des mamelles, veaux trop gras, plus sauvages… Effectivement, le départ des premiers veaux a mis en évidence qu’ils étaient un peu plus sauvages puisqu’ils ne considèrent « les humains comme des biberons ambulants » plaisante Valentine. A ce stade, cela ne semble pas déranger les acheteurs. Pour le reste, les observations et l’expérience vont se poursuivre pour affiner les pratiques et conforter les premiers bilans.

Eduquer au pâturage

L’autre changement important impulsé par Valentine est l’accès des vaches à la pâture. Les parcelles autour du bâtiment mais également de l’autre côté d’une route ont été découpées et ce sont 28 paddocks qui ont été mis à disposition des laitières. Elles profitent chaque jour d’un nouveau paddock avec un retour minimum de 21 jours. Bien sûr, il a fallu faire de nouvelles clôtures, apprendre aux vaches à pâturer et aux humains à gérer l’herbe ! Les premières, conditionnées à la nourriture distribuée à l’auge, voulaient rentrer manger aux cornadis dès qu’elles entendaient le moteur du tracteur, synonyme pour elles de distribution de la ration ! Valentine nous dévoile ses astuces : « à la fin de la traite, on ne distribue pas la ration, on les sort au pâturage et surtout, on ne démarre pas de tracteur ». Les vaches ont toujours une ration de base le soir quand elles rentrent. Au cours du mois de juin, particulièrement chaud, pour ne pas perdre l’habitude du pâturage, elles ont été sorties de 8h à 9h le matin avant de pouvoir reprofiter de la fraicheur des bâtiments en journée.

Pour que les vaches apprécient le pâturage et « acceptent de baisser la tête », il faut leur fournir des parcelles appétentes. L’observation, la mesure de hauteur d’herbe par herbomètre et l’utilisation du logiciel Happy grass sont des aides au pilotage. Une élève ingénieur réalise son stage de fin d’études et devrait aider l’exploitation de Précieux à optimiser le pâturage : mesures d’herbe, caractérisation de la flore et déplacement au Salon de l’herbe et des fourrages  à la recherche de solutions adaptées au contexte local pour rénover les prairies permanentes.

Limiter les concentrés par la culture de soja

Un travail sur l’assolement a été entrepris cette année avec l’introduction d’une culture de soja graine, implantée derrière orge. Valentine ne cache pas sa satisfaction d’avoir conduit une culture dérobée qui a permis de diminuer la part de matière azotée achetée. Les deux hectares ont permis de récolter cette année 20 quintaux/ha en agriculture biologique (contre 10 qx/ha en conventionnel suite à brûlure après traitement). Deux tonnes de soja ont été toastés par un prestataire et aplatis. L’analyse a mis en évidence une meilleure digestibilité. Distribué aux vaches laitières du 1er février au 26 mai à raison de 400g par vache laitière et par jour, ce concentré a permis d’économiser l’achat de 2,1 tonnes de soja sans engraissement notable des animaux (des mesures de note d’état corporel ayant été réalisées).

L’agroécologie nécessite de faire des ruptures, l’exploitation de Montbrison Précieux a osé des changements et en mesure les effets.


Deux questions à Valentine Quemin, directrice de l’exploitation :

- De quoi êtes-vous la plus fière ?  « Une chose me tient à cœur, c'est d'avoir pu laisser les veaux sous leurs mères, malgré les réticences. J'ai l'intuition que c'est mieux pour le veau mais aussi pour les vaches et donc pour le système d'élevage, il nous faut poursuivre ces essais pour obtenir plus de données concrètes, applicables à d'autres fermes. Je suis également fière d'avoir réussi à mener un pâturage tournant avec les vaches ».

- S’il fallait améliorer quelque chose ? « On a à travailler sur des économies en eau, en énergie. J'aimerais que notre impact soit moindre ».

 


Quelques chiffres clés :

SAU : 115 hectares dont 34 ha de prairies permanentes à flore sensible, 12 ha de maïs, 20 ha de céréales, 25 ha de luzerne, 15 ha de prairies temporaires riches en légumineuses, 9 ha de méteils ensilés. Cette année, 15,6 ha supplémentaires ont été dédiés au pâturage.

50 vaches laitières de race Prim’Holstein, 510 000 litres de lait produits

2 salariés à temps plein et une apprentie


Contacts utiles :

Jean Baptiste Auroy, directeur de l’EPLEFPA, Campus Agronova : jean-baptiste.auroy(at)educagri.fr

Valentine Quemin, directrice de l’exploitation de Montbrison Précieux : valentine.quemin(at)educagri.fr

Véronique Le-Guen, DRAAF-SRFD AuRA : veronique.le-guen(at)agriculture.gouv.fr

 

Site de l’EPLEFPA : https://www.campus-agronova.fr/

 

Juillet 2023 - Hervé Longy, Emmanuelle Zanchi, animateurs Réso’them de l’enseignement agricole