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Animation et développement
des territoires
de l'enseignement agricole

Première rencontre du réseau “protéines végétales” à l'Isle-sur-la-Sorgue

La première rencontre nationale autour des légumineuses à graines pour l’alimentation humaine dans l’enseignement agricole s’est tenue les 29 et 30 mars 2023 à l’établissement d’Avignon, sur le site du Lycée la Ricarde en pays des Sorgues. Elle a réuni 20 participants issus de quatre établissements, des techniciens, des agriculteurs et la DRAAF PACA. Les objectifs étaient d'échanger, de s’inspirer et d’approfondir les connaissances techniques avec le cas de la filière pois chiche pour initier un réseau.

 

L’exploitation de la Ricarde produit du pois chiche bio

En 2022, l’exploitation de L’Isle-Sur-la-Sorgue cultivait 10 ha de pois chiche en agriculture biologique.  « Cette culture nécessite peu d’eau et apporte de l’azote au sol » précise Loïc Charpentier, le directeur d’exploitation. Mais c’est une production assez technique, avec une phase de semis à ne pas rater. “Ici, on cultive en sec, sans irriguer ; on sème début février et on récolte vers mi ou fin juillet. On a la chance d’avoir une bonne bineuse à 18 rangs. L’héliothis, un papillon ravageur qui pond dans la cosse reste une contrainte, même si jusque-là on s’en sort avec la lutte biologique” explique Loïc. Les liens sont réguliers avec Terres Inovia qui amène des conseils et des références, sur le pois chiche et d’autres légumineuses comme le pois d’hiver. La coopérative et le semencier sont également des partenaires importants. À noter que l'établissement, bien équipé, assure le travail du sol, le semis et la récolte de 2 ha de pois chiche à l'EPLEFPA de Carpentras, à 25 min de la Ricarde.

Quand les réseaux thématiques de l’enseignement agricole et la Bergerie Nationale ont proposé des échanges d’expériences en visioconférence à l’été et l’automne 2022 pour soutenir l’émergence de ces filières, j’ai proposé d’accueillir la première rencontre ici où les collègues pouvaient tout voir, du champ à l’assiette” raconte-t-il. Les établissements de Nancy-Pixerécourt et de Bourg-en-Bresse ont également été partants pour partager leurs expériences (voir les 2 encadrés plus loin). Irène Allais (animatrice alimentation dans l’enseignement agricole, l’une des coorganisatrices) a introduit cette rencontre en rappelant que “ces filières ont un avenir prometteur et de nombreux intérêts : qualité nutritionnelle, végétalisation de l'alimentation, diversification des exploitations, réduction d'intrants et des Gaz à effet de serre ”.

Après sa récolte, le pois chiche est trié chez un agriculteur du territoire puis conditionné et commercialisé dans différents circuits.

Chiffres clés sur les légumes secs et le pois-chiche

Lors de la rencontre, les partenaires de la ferme de la Ricarde, la coopérative agricole Provence Languedoc et Top Semence, avec Geoffrey Marchand et Blaise Rolland, ont présenté un panorama de la filière des légumes secs, ses acteurs, ses tendances, les enjeux de protection des plantes et de sélection variétale. Le pois chiche représentait 14 % des légumes secs vendus en France en 2020. Les établissements ont pris conscience par exemple de la segmentation des marchés suivant l’usage : les variétés à consommer en graines sont différentes de celles à écraser en farine. Ensuite, Quentin Lambert, référent « pois chiche » chez Terres Inovia, a confirmé l’essor et la structuration en cours de la filière pois chiche. Il a apporté des repères technico-économiques et des critères clés pour le choix des variétés et de la conduite culturale.

 

L’enjeu du tri du pois chiche dans une filière locale

Le tri est une étape clé qui permet de séparer les graines commercialisables de déchets divers et d’autres graines. Un enjeu est de disposer de matériel adapté et pouvant trier de petites quantités. L’exploitation de La Ricarde, comme une quinzaine d'autres fermes dont celle du lycée agricole de Carpentras, bénéficie des services d’un agriculteur, Monsieur Bouscarle, à Mûrs (à une trentaine de kms du lycée). Il y a tout un savoir-faire, avec beaucoup d'observation et d'autoconstruction pour faire fonctionner un trieur rotatif ancien mais efficace qui trie à moindre coût les semences. Ce maillon du tri est essentiel à pérenniser dans le territoire pour permettre des diversifications d'exploitations, des mélanges variétaux plus agronomiques et davantage d'autonomie en semence des producteurs.

La valorisation du pois chiche bio de l’exploitation

Après avoir été triée, une petite partie de la production est vendue à la cuisine de l’établissement et en vente directe au sein de l’établissement. La majeure partie est transformée en farine par l’entreprise Kom&Sal à Cavaillon, créée par la cheffe étoilée Nadia Sammut de l’Auberge de la Fénière.  “La production de l’exploitation ne suffit pas à répondre à la demande et peut varier de 25 quintaux par ha une année correcte à seulement 10 quintaux comme en 2022 avec la sécheresse” déplore Loïc Charpentier. Le moulin est équipé d’une meule en pierre permettant d’obtenir des farines à froid en un seul passage en préservant leurs qualités nutritionnelles. La farine de pois chiche est utilisée pour fabriquer une gamme de produits sans gluten et sans lactose à haute valeur ajoutée comme du pain, des biscuits sucrés ou des biscuits d’apéritif.
Au-delà d’un partenariat commercial engagé dès 2019 et permettant de valoriser de manière intéressante à 2€/kg le pois chiche bio, cette collaboration a également une dimension pédagogique.

 

Les expériences en pédagogie autour des légumineuses à graines

À L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le cadre de l’étude de la filière pois chiches, Nathalie Maino, enseignante en économie a organisé une rencontre entre des élèves de première Bac Pro en Agroéquipement et Nadia Sammut, engagée dans la transmission de la conscience alimentaire “sans additif, sans addictif, sans pesticides mais avec amour” comme elle l’explique à la fin de cette vidéo.
L'objectif était de sensibiliser les jeunes à la valorisation et la consommation des légumineuses à graines : « Les jeunes sont a priori réticents car ils ont du mal à réduire leur consommation de viande et ils sont souvent ignorants des bienfaits des légumineuses. Il est donc primordial d’introduire santé, diététique et nutrition dans leur parcours”, précise Nathalie Maino.
Ils ont pu vivre une expérience inédite en étant chaleureusement accueillis dans le cadre exceptionnel et raffiné du restaurant à Cadenet. Ils ont pu échanger avec Nadia Sammut sur la santé, l’agriculture et l’alimentation, fabriquer et déguster des galettes et des gâteaux sans gluten ni lactose à partir de différentes farines notamment celle des pois chiches de l’exploitation agricole. Leur étude de filière est remontée de l'assiette au champ, en visitant également le trieur de graines puis l'exploitation du lycée.

Valoriser les méteils et la féverole à Bourg-en-Bresse

Le développement de la culture et la transformation de fèverole est né dans le contexte du PAT (projet alimentaire territorial) de l’EPLEFPA Bourg en Bresse avec un axe « manger local et durable en Bresse avec les légumineuses » et l’exploitation qui a pour objectif de réduire les intrants et de développer l’autonomie alimentaire pour le troupeau. Depuis 2021, la féverole est semée en méteils (avec du grand épeautre, du blé dur ou tendre), triée et transformée lors des travaux pratiques en agroalimentaire.
Les apprenants se sont fortement impliqués : les élèves de Bac Pro CGEA ont réalisé et vérifié les semis. En 2022, des élèves de première ont présenté la culture de féveroles à des élèves de 5ème du collège Paul Claudel de Lagnieu (Ain) dans le cadre du réseau Marguerite. Des élèves de seconde leur ont également fait découvrir la fabrication de biscuits et cookies à base de lentilles et pois chiches produits dans le territoire.
Différents essais de valorisation de féverole par les étudiants en BTSA sciences et technologies des aliments ont conduit à plusieurs innovations et à la participation à des concours d’innovation (Innov’ Aliment et la seconde édition du challenge Cap Protéines). Par exemple, ils ont réalisé des biscuits à la farine de maïs et de féveroles aux éclats de féveroles caramélisés, des pâtes à base de farine de blé dur et de farine de féverole infusées aux fleurs, des pâtes à tartiner à la féverole et au chocolat, des mochis.
L’expérimentation sur les méteils intégrant des légumineuses va se poursuivre dans les années à venir, en lien avec les acteurs du territoire et avec les apprenants comme acteurs des projets. Des aspects sont à creuser notamment sur le décorticage, le stockage éventuel de féverole, la consolidation des itinéraires, le renforcement des liens avec la restauration du lycée…

Témoignage de Bénédicte CHORRIER COLLET, enseignante en génie alimentaire, dispositif tiers temps et de Joris DEVILLE (Directeur de l’exploitation agricole des Sardières à Bourg-en-Bresse), benedicte.chorrier-collet(at)educagri.fr  et joris.deville(at)educagri.fr

 

Légumineuses, pédagogie et territoire : la formule gagnante à Nancy

(Témoignage de Claudine Elbisser, enseignante en génie alimentaire)

À L’EPLEFPA de Nancy, Claudine Elbisser a commencé à travailler sur les légumineuses dès 2015. Sept cultivateurs lorrains souhaitaient limiter les intrants et l’émission de Gaz à effet de serre et réintroduire les légumineuses en alimentation humaine en mettant au point des produits en circuits courts ou en restauration collective. Ces travaux ont été poursuivis dans le cadre d’un projet Casdar-TAE jusqu’en 2018, avec l’objectif de développer la filière locale en y associant les apprenants de différentes filières et le service restauration de l’établissement. Les étudiants en BTSA Agronomie et Cultures Durables de l’EPLEFPA de Courcelles-Chaussy ont étudié les modes de culture avec la Chambre d’agriculture et les agriculteurs. Les étudiants en BTSA STA et des stagiaires de l’ENSAIA de Nancy ont participé à des expérimentations sur les propriétés technologiques des légumineuses, sur les farines, la formulation des recettes, la caractérisation sensorielle et nutritionnelle ont été conduites à la halle de transformation. Les élèves en  BAC PRO SAPAT ont enquêté auprès des services de restauration et des consommateurs. Un site spécifique mettant en valeur les légumineuses et les produits développés a été mis en ligne : 1 2 3 leguminez !
Ensuite, les actions d’information et de sensibilisation à destination des élèves et apprenants se sont développées sous différentes formes : un club transformation à la halle de technologie suivi de séances de dégustation, des événements : 450 repas à base de légumineuses servis à la cantine (2016-2018) , le Grand Repas avec le Conseil départemental 54 (porteur du PAT Sud 54), le concours Top Chef à base de légumineuses impliquant des Chefs de restaurant de l’enseignement agricole avec deux commis par chef…
« Depuis 2021, nos actions se poursuivent désormais dans le cadre du PLEPA et toujours en partenariat avec les acteurs du territoire et en impliquant les apprenants », précise Claudine. Notamment, dans le cadre d’un MIL (Module d'initiative locale) « Transformer autrement au service d’un système alimentaire durable » impliquant les étudiants en BTSA Sciences et Technologies des Aliments  et les acteurs du territoire. Il a par exemple permis de réaliser une enquête sur « l’approvisionnements en légumineuses » des services restauration du département 54 (Meurthe et Moselle) et des entreprises agroalimentaires.

Contact : claudine.elbisser01(at)educagri.fr

 

Perspectives pour développer les légumineuses à graines

Compte-tenu des retours positifs des participants à cette première rencontre, il est envisagé une seconde édition au printemps 2024 à l’établissement de Bourg en Bresse, autour de la filière féverole et des projets de filière locale de légumineuses. D'autres établissements mènent des expériences intéressantes (Châteauroux, Toulouse, Plombière-lès-Dijon...) et les échanges initiés en visioconférence en 2022 puis en présentiel en 2023 sont à poursuivre dans le réseau de l'enseignement agricole avec les partenaires. L’enjeu de développer des légumineuses à graines dans l’enseignement agricole répond à plusieurs objectifs : alimentation durable, changement climatique, réduction des intrants et diversification végétale.


Contacts utiles


Les chiffres clés de l’exploitation agricole de L’Isle Sur La Sorgue (2022)

  • Surface totale :  SAU : 109,9 ha dont 37,18 en bio
  • Productions :   Blé tendre d’hiver 22 ha (4 variétés en mélange)
    •                           Colza : 11,86 ha
    •                           Orge brasserie de printemps Bio : 4,64 ha
    •                           Sorgho fourrager : 9,38 ha
    •                           Jachère (mélange fabacées) : 24,84 ha
    •                          Pois chiche Bio : 6,68 ha
    •                          Blé dur Bio : 2,45 ha
    •                            Luzerne semence Bio : 11,78 ha
    •                            Luzerne fourrage Bio : 9,27 ha
    •                            Maraîchage Bio (tunnel et plein champ) :  4 ha
    •                            Lavandin Bio : 3 ha
  • Salariés : 3 UTH (2 DEA et 1 salarié permanent)
  • Chiffres d’affaires : 120.947 € (avec Aides PAC)


 

Juin 2023 – Irène Allais, Claire Durox et Philippe Cousinié, animateurs Réso'them de l'enseignement agricole en partenariat avec Catherine Chapron, CEZ-Bergerie Nationale