La génèse du projet remonte à une expérimentation auprès d'une classe de 3ème. Des élèves souvent en rupture avec l'école, se considérant obligatoirement en échec avant même d'avoir participé à quelque activité. Des élèves dotés d'une estime de soi extrêmement péjorative et stigmatisé, qui plus est, pour une orientation en lycée agricole. Autant de facteurs qui ont suscité l'interrogation pour enrayer un phénomène croissant: celui du décrochage scolaire.
La réflexion a débuté sur la mise en place d'un emploi du temps et un espace classe différents:
L'emploi du temps questionnait en termes de concentration et d'organisation. Non seulement, du temps est perdu en changement de salles, rentrée et sortie du matériel...mais ces activités parasites semblaient davantage perturber la concentartion déjà superficielle des élèves plutôt que de la faciliter. Il a été décidé par l'équipe pédagogique de tester différemment:
- Des temps de classe rassemblés en séances et non plus divisés en heures et des disciplines associées. Les élèves suivent, par exemple, tous les mercredis de 8h à 12h Français et Histoire-Géographie en parrallèle,
- Une optimisation des matinées et un "allègement" des après-midi,
- Une journée entière destinée aux matières professionnelles et autres activités transversales: EPI (Enseignements Pratiques et Interdisciplinaires) et Pluridisciplinarité.
Les réflexions ont, également, été portées sur l'espace classe. Il semble cohérent, que pour redonner confiance, motiver les élèves, il est nécessaire de leur proposer des lieux propices sources d'épanouïssement. Le choix est donc fait d'octroyer une salle de classe à la section de 3ème de l'établissement. Cet espace classe est pensé pour être à la fois un lieu d'apprentissage mais également comme un lieu de vie. C'est un repère pour des élèves qui en manquent parfois, c'est un espace sécurisant pour des élèves en quête de confiance et souvent nouveaux dans l'établissement et c'est un endroit où l'on peut apprendre à vivre ensemble.
Ces deux centres d'intérêt ont immédiatement posé la question des approches pédagogiques. Une équipe s'est rapidement constituée et a témoigné de sa volonté de ne plus subir ces classes d'élèves en difficultés mais de chercher et de mettre en oeuvre des solutions pour que les élèves eux-mêmes n'aient plus à le subir.
Afin d'organiser cet élan, l'établissement s'est inscrit dans un partenanriat avec la recherche. Un LéA (Lieux d'Education Associés) est signé entre des chercheurs de l'ENSFEA à Toulouse, de l'IFE à Lyon et une équipe de 7 enseignants sur le lycée. Dans le même temps, une demande de Tiers-temps sur la thématique du décrochage scolaire est accordée à l'établissement.
Depuis 2 ans, des éléments peuvent être identifiés:
- L'emploi du temps selon des temps de classe plus longs et des disciplines associées fonctionne bien. L'élève est amené à se concentrer sur deux disciplines au maximum par demi-journée: sa concentration est plus active, l'organisation hebdomadaire simplifiée.
- L'aménagement de l'espace classe, au départ succinct, a permis pendant un an de construitre le projet ambitieux de développer un Learning Lab. Sa mise en place est en cours et doit être opérationnelle, pour la rentrée 2018.
- L'équipe pédagogique a dû mettre en place des stratégies didactiques plus diversifiées, plus adaptées, plus individualisées, plus innovantes ( classe inversée, capsules vidéo, travail en îlots, utilisation d'outils numériques).Des formations s'organisent donc avec un objectif essentiel: créer des outils concrets afin de donner du sens aux enseignements. Des enseignants plus motivés parviennent mieux à susciter la curiosité et l'envie des élèves.
- Etablir un contrat de confiance est un facteur de réussite scolaire. Celui-ci peut se décliner selon plusieurs niveaux:
- Enseignants/Elèves: souvent informel, les élèves y sont pourtant extrêmement sensibles. Une relation de confiance doit exister pour installer un climat d' acceptation: accepter ses erreurs, accepter de travailler, accepter de participer, accepter la critique, accepter de devenir curieux...pour les élèves; accpeter de changer de posture pour les enseignants,
- Enseignants/Responsables: le dialogue doit pouvoir être établi de manière assez simple, honnête et respectueuse.
- Enseignants/Hiérarchie: de tels engagements ne peuvent s'effectuer sans un climat de confiance clairement posé.
C'est l'osmose entre ces différents acteurs qui va créer un climat propice à la réussite scolaire des élèves identifiés en difficultés ( phase précédente au décrochage scolaire).
Aujourd'hui, les travaux didactiques effectués permettent également quelques points de bilan:
- "Innover" ce peut être aussi de refuser de prendre de nouvelles habitudes,
- Ne pas penser le numérique éducatif comme une fin en soi mais plutôt comme un des leviers pouvant susciter envie et curiosité. Et pour reprendre ces propos de JP Astolfi: " Il s"agit plus d'exposer le savoir à la classe mais d'exposer la classe au savoir".