Régis Hélias, ingénieur agronome, responsable de la station Arvalis de Montans (Tarn), nous a accueilli sous un soleil timide. La station a été créée en 1976. Les premières expérimentations en agriculture biologique (AB) ont débuté en 1985/1986. Aujourd’hui, l’équipe est composée, d’un ingénieur agronome, de deux techniciens et d’une assistante.
Fort d’une expérience de plus de trente ans en bio, animateur national en AB pour Arvalis, Régis Hélias a présenté l’orientation qu’il a donnée à la station depuis quelques années : « Ayant fait le tour des pratiques historiques, il m'a semblé intéressant d'aller vers des pratiques nouvelles permettant de satisfaire les enjeux techniques en AB et de cocher un maximum de cases de l'agroécologie ».
La station produit des références en matière de couverts végétaux, vivants et permanents, sans pulvérisation d’herbicides ni usage de produits phytos de synthèse. Les essais de Montans ont démarré dès 2016 en grandes cultures. Ils attirent des experts du monde entier, notamment du continent américain, qui viennent découvrir les couverts végétaux menés en AB et sans travail du sol profond.
La station cherche aussi à établir des références sur la dynamique du phosphore (P) en AB, avec des parcelles très pauvres. « Parmi les sujets étudiés à Montans, il y a les gènes d’intérêt pour la tolérance à la JNO (jaunisse nanisante de l’orge, virus transmis par les pucerons) et le blé tolérant à la carence en phosphore. » nous précise Régis Hélias.
Enfin, la station est impliquée dans le projet GRAAL. Ce projet de recherche tente d’évaluer la faisabilité de gestion d’un couvert de légumineuses semées en inter-rang d’une culture d’intérêt, principalement par son fauchage. Les essais de Montans tournent autour d’associations de cultures d’hiver (blé, orge) et de luzerne sur plusieurs années (au moins 5 à 8 ans). Ces associations sont possibles grâce à du matériel conçu spécifiquement et précisément paramétré. Par exemple, la précision GPS du désherbage mécanique atteint 2,1 cm (contre parfois 7 cm en sortie d’usine).
« La luzerne, de variété flamande, est semée avec le GPS dans un écartement de 30 cm. Toute la biomasse est restituée au sol. Le blé est semé à l’automne sur la luzerne fauchée, qui va alors entrer en dormance. La luzerne s’avère très utile pour maîtriser la levée les chardons. » indique Régis Hélias.
Il présente les premiers résultats obtenus :
- La première année, le rendement en céréales en association chute de 25% par rapport au bio ;
- la deuxième année, le rendement revient à la moyenne du bio ;
- la troisième année, le rendement augmente par rapport au bio.
Mais cultiver successivement la même plante plus de deux années de suite n’est-il pas interdit en AB ? Régis Hélias répond promptement : “Les cultures associées ont un statut particulier, comme les cultures pérennes. C’est possible de faire une “monoculture” de blé dans un couvert de luzerne, mais il faut respecter deux conditions : pas d’apport d’azote sur la culture dans le couvert et l’association doit s’inscrire dans une rotation à l’échelle de l’exploitation.”
Beaucoup de nouvelles questions apparaissent ou restent en suspens à l'issue de ces premières années de recherche. Pour l’ingénieur de la station, l'avenir de l’AB et probablement de l’agriculture conventionnelle dans un second temps se dessinera avec les associations de cultures et l’utilisation des couverts.