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Saint-Aubin du Cormier valorise les landes humides par l’élevage biologique

Avec son système herbager et bocager, l’exploitation a su démontrer depuis de nombreuses années qu’un élevage rémunérateur en zones de landes humides, c’était possible. Le changement climatique et la recrudescence des aléas peuvent-ils changer la donne ?

Dès notre arrivée sur l’exploitation, les discussions d’usage s’engagent autour de la météo, la pluviométrie abondante de ces derniers jours, la pousse de l’herbe et la portance des parcelles. Et tout naturellement, les échanges s’orientent vers la définition des zones humides, caractéristiques de l’exploitation. Pour Laurent Douard, nouveau directeur de l’exploitation depuis septembre 2023, la quasi-totalité du parcellaire pourrait être qualifié de zone humide. Charlotte Bardin, enseignante de biologie-écologie et référente du plan EPA2, apporte une définition faisant référence à la végétation qui doit être dominée pendant au moins une partie de l’année par des plantes hydrophiles. En effet, « la lande de la rencontre », lieu-dit de l’exploitation, est située sur un site historique de landes humides et se caractérise par ses parcelles bordées de haies, ses prairies naturelles. « Ces parcelles gardent de la fraicheur et garantissent une pousse de l’herbe en période de fortes chaleurs » explique Laurent. Cette année, il faut s’adapter : les pluies importantes de l’automne et du printemps ont dégradé la portance des sols. « Nous avons dû rentrer les animaux début novembre et ils sont ressortis au pâturage au 15 avril, ça fait long pour un hivernage en climat océanique » regrette-il. Bien sûr, pas de conclusion hâtive à ce stade. L’exploitation participe dès le mois de juin à l’appel à projets de la Chambre d’Agriculture Bretagne ClimaTerra afin de mettre évidence les forces et les fragilités des systèmes herbagers en zones humides face au changement climatique. Ce projet est d’autant plus intéressant qu’il va permettre d’obtenir des références pour accompagner les agriculteurs du territoire. 

Des animaux robustes et l’autonomie alimentaire comme priorité

En agriculture biologique depuis 2011 sur toute sa surface, l’exploitation de Saint-Aubin est constituée de deux ateliers animaux complémentaires et particulièrement adaptés leur territoire : des bovins et des ovins
La soixantaine de vaches allaitantes de race Blonde d’Aquitaine a été sélectionnée pour présenter un format léger afin de ne pas dégrader les parcelles à faible portance. La dureté de la corne des sabots est également un critère qui entre en compte dans la sélection (via l'insémination artificielle). Plus globalement, le travail de sélection entrepris depuis de nombreuses années permet aux animaux d’être robustes. « Les problèmes sanitaires sont peu nombreux même pour le parasitisme qui reste le risque majeur au pâturage, surtout en présence d’humidité » explique Laurent. Il est organisé en pâturage tournant sur huit paddocks autour du siège de l’exploitation et la surveillance par analyse coprologique permet de gérer au mieux les infestations parasitaires.
Sur certaines parcelles, au cours de l’hiver, une troupe d’une soixantaine de brebis de race Lande de Bretagne succèdent aux vaches allaitantes. Elles éco-pâturent également des bassins de rétention d'eau de pluie de terrains communaux de Saint-Aubin. Cette race, comme son nom l’indique, est particulièrement adaptée au pâturage d’espaces naturels de landes et de marais. Reconnue « race menacée d’abandon pour l’agriculture », elle peut bénéficier financièrement de la mesure de protection des races menacées, (PRM) identifiée comme mesure agro-environnementale et climatique (MAEC). « Les brebis Landes de Bretagne sont très adaptées à notre exploitation, elles sont conduites très majoritairement en plein air et sont résistantes au piétin, maladie multifactorielle favorisée par l’humidité des parcelles. Leur complémentarité avec les vaches au pâturage est un autre atout » explique Laurent. 

L’autonomie alimentaire est une priorité : les surfaces à proximité de l'exploitation sont pâturées. Celles situées à 3 km sont récoltés en enrubannage et en foin. Les cultures de maïs grain ou épi, le méteil grain est destiné aux animaux, le surplus étant vendu. Si l’enrubannage reste une pratique qui permet de récolter précocement un fourrage de qualité (même en conditions météorologiques défavorables) et souple d’utilisation, la quantité de plastique nécessaire interroge toutefois le directeur de l’exploitation.

Créer de la valeur ajoutée

Faire de cette exploitation de taille moyenne, située en zone souvent qualifiée de peu productive, une structure qui rémunère 1.4 salariés et qui soit crédible pédagogiquement, passe également par la recherche de valeur ajoutée. Ainsi, l’exploitation de Saint-Aubin-du-Cormier, à tout juste 30 kms de Rennes, essaie de multiplier les débouchés et les filières. Pour élevage bovin, les femelles sont vendues en direct ou par l'intermédiaire du réseau "Bretagne Viande Bio" entre 5.7 et 6 €/kg de carcasse. Les génisses sont conservées et élevées sur l'exploitation pour le renouvellement du troupeau.  Les mâles sont élevés puis vendus en broutards dans le circuit conventionnel à des négociants ou à un éleveur proche de Rennes car il n'y a pas ici de filière taurillon bio. Une dizaine d’animaux par an sont commercialisés en vente directe avec une meilleure valorisation financière. D’un poids vif de 750 kg, l’animal aura un poids de carcasse d’environ 450 kg soit 300 kg de viande commercialisable en caissettes de 10 kg. La cantine de l’établissement est un client fidèle qui achète 30 kg de viande à chaque vente soit l’équivalent d’un animal par an. Les ovins sont essentiellement vendus vivants pour faire de l’écopâturage (100 € par animal) ou comme reproducteurs. Laurent Douard envisage également de diversifier les productions à destination de l’alimentation humaine : les quelques hectares de blé produits actuellement pourraient être complétés par la culture de sarrasin.

lire aussi : En Bretagne, les lycées agricoles s’engagent pour l’eau (article)


Trois questions à Laurent Douard, directeur de l’exploitation

De quoi êtes-vous le plus fier ?  "Je suis arrivé il y a huit mois, j’étais enseignant avant. Je suis fier d'avoir su m’adapter au fonctionnement d’une exploitation d'élevage et aux soins des animaux alors que je n'avais pas un profil de zootechnicien"

S’il fallait améliorer quelque chose ?  “La gestion de la reproduction du troupeau des vaches allaitantes ainsi que la gestion de la santé du troupeau pour que nous soyons davantage dans le préventif. Parfois, on subit un peu. La vaccination et un travail étroit avec le cabinet vétérinaire de proximité devrait nous aider”

Un conseil pour un éventuel successeur ? “Prends le temps d’observer et conserver la cohérence du système. Il a fait ses preuves


Quelques chiffres :

SAU :  105 ha

Main d’œuvre : 1.4 équivalent temps plein

Productions : 60 vaches allaitantes Blonde d’Aquitaine en AB et 60 brebis Lande de bretagne en AB

Commercialisation :  Vente directe en caissette et SICA Bretagne Viande Bio


Contacts :

Gilles Olivier, directeur de l’EPL, gilles.olivier(at)educagri.fr

Laurent Douard, directeur de l’exploitation, laurent.douard(at)educagri.fr

Eric Plaze, chargé de mission DRAAF SRFD, eric.plaze(at)agriculture.gouv.fr

Site de l’EPLEFPA de la Lande de la Rencontre : https://st-aubin.educagri.fr/

Juillet 2024, Dominique Dalbin et Emmanuelle Zanchi, animateurs Réso’them de l’enseignement agricole