Juin 2019 - Philippe Cousinié et Hervé Longy, animateurs Reso’them de l’enseignement agricole
Montauban et Moissac développent leurs fruits et légumes en agroécologie
Un établissement historiquement ancré en arboriculture et horticulture
Les deux exploitations de Capou à Montauban et de Pesquié, basée à Moissac, sont liées par des productions communes. La première est axée sur l’arboriculture fruitière avec la production de pommes et de prunes. L’exploitation du Pesquié, de par sa situation géographique, cultive des vignes pour produire des raisins de table dont le chasselas de Moissac en AOP. Des fruits d’été : cerises, pêches et abricots complètent les productions fruitières. L’exploitation de Capou, est à l’origine de la création de deux variétés de kiwi : « Belle de Chine » (protégée) et « Montcap » (non protégée), chose assez rare dans un lycée pour être soulignée. La seconde production commune est l’horticulture avec du maraîchage en AB sur les deux sites. Plus d’une quinzaine de légumes (dont poireau, patate douce, pomme de terre, oignon, ail et courgette) sont proposés en commercialisation directe avec une tournée hebdomadaire sur Toulouse et en restauration collective sur l’ensemble des lycées et des collèges d’Auch. Pour Thomas Vogel, le directeur d’exploitation de Capou : « Nous devons évoluer vers cinq ou six espèces principales pour mieux fournir notre clientèle et améliorer notre gestion. »
Une nouvelle organisation des deux fermes au service d’une gestion commune
L’exploitation de Capou a été créée en 1967 à partir d’un verger de pommes Golden. Un des directeurs, Patrice Blanchet, a introduit le kiwi et a créé deux variétés. Après son départ, l’exploitation a investi dans des variétés de pommes et de variétés de prunes américo-japonaises pour répondre aux besoins des marchés. Depuis quelques années, suite aux différentes crises que traversent la filière « pomme », les deux exploitations se sont retrouvées dans des situations financières alarmantes. Les deux sites travaillaient alors chacun de leur côté et des flux marchands existaient mais sans tenir compte de leur appartenance au même établissement. Rémy Oustrières et Thomas Vogel, les deux directeurs des exploitations de Pesquié et de Capou, ont élaboré une nouvelle organisation se basant sur les compétences de chacun et sur leurs complémentarités. Leur but est de retrouver selon Thomas « une rentabilité économique pour rentrer dans un cercle vertueux ». Thomas Vogel s’occupe de la pédagogie à la ferme, des partenariats, de la gestion commune et de la mise en marché. Rémy Oustrières a en charge les travaux techniques, le matériel et le personnel. Cette nouvelle organisation a mis l’accent sur plus de rigueur et sur davantage de simplification et a permis de dégager de meilleures capacités d’autofinancement (CAF).
Des exploitations engagées en agroécologie et en plantation de haies
En parcourant le domaine de Capou, Thomas Vogel nous montre le maillage de haies qui délimite des parcelles d’un hectare où s’entremêlent pommiers, pruniers, actinidia en bio ou en conventionnel. Thomas Vogel évoque les différentes essences locales plantées dans les haies : « Il ne faut pas de rosacées par rapport au feu bactérien, et pas de noyers pour le carpocapse. ». Plantées pour apporter des services : « Nos haies sont des refuges pour de nombreux auxiliaires » insiste Thomas qui rajoute : « Laisser pousser de l’herbe dans les rangs serait plus efficace pour les auxiliaires du verger. L’an prochain, nous construirons avec des élèves un rouleau faca pour développer cette technique. ». Les élèves de seconde EATDD sont mis à contribution tous les ans pour les plantations de nouvelles haies.
L’irrigation est nécessaire pour produire des fruits mais les exploitations l’utilisent en apport localisé et de manière économe.
Lorsque l’on aborde la pollinisation des fruitiers, on pense aux abeilles domestiques. A Capou, il y a vingt ruches présentes, mais également un suivi de populations d’abeilles sauvages, de syrphes et de papillons, pollinisateurs sauvages qui jouent un rôle primordial.
Des réserves foncières servent pour les rotations des vergers ou la mise en place de maraîchage. Elles sont semées pendant deux ans en sorgho fourrager qui est broyé deux fois par an afin de bénéficier de l’effet structurant sur le sol. L’année suivante un méteil également broyé permet également un apport de matière organique.
Voulant refléter les productions du territoire mais également conscient des enjeux agroécologiques, les deux exploitations ont converti la moitié des vergers et la totalité du maraîchage en AB. Des variétés adaptées, des itinéraires techniques spécifiques, notamment pour lutter contre l’enherbement permettent de produire des fruits livrés à la coopérative « Quercy Soleil » pour les besoins des marchés. Avec un rendement de 25 T/ha, un prix de vente de plus de 0,80 € du kilo, la pomme bio permet de bien rémunérer les deux fermes. Mais il est nécessaire d’innover pour sortir du glyphosate, encore utilisé pour entretenir le rang des fruitiers en conventionnel. La journée « Glyphosate » organisée à Pesquié le 27 juin 2019 démontre la volonté de l’établissement d’accélérer son abandon comme en témoignent les démonstrations de désherbage dans le rang (lire l’encadré).
Les enjeux de la journée Glyphosate à Moissac le 27 juin 2019
La journée du 27 juin dernier a réuni plus de 45 participants sur le domaine arboricole de Moissac avec la présence des établissements agricoles et viticoles de Riscle, Cahors, Nîmes et Montpellier. A l’initiative de la cellule RIT (Cellule Recherche Innovation Transfert, regroupant l’INRA, l’Acta-les instituts techniques agricoles et le réseau des Chambres d'Agriculture (APCA) et de la DGER (BDAPI et Réso’them), cette journée a été organisée conjointement par Thomas Vogel de l'EPLEFPA de Tarn et Garonne et Daniel Sintès, adjoint-SRFD/DRAAF Occitanie. L’objectif était d’impliquer l’enseignement agricole au Centre de ressources du glyphosate (CRG) mis en ligne en février 2019 à partir d’un plan d’action en systèmes pérennes (arboriculture et viticulture). Des groupes de travail ont réalisé des propositions pour les systèmes pérennes en travail du sol et en enherbement associé à l’irrigation. Des démonstrations ont permis d’observer les résultats de passages dans les rangs de pommiers (Voir les photos avec passage de disques et désherbage sur le rang). Les enseignants pourraient contribuer au CRG avec des fiches pédagogiques à compléter au plan technique. Pour contribuer au CRG, ont été proposées des concours-jeu pour les élèves, des synthèses d’étudiants (en année 3 de l’école d’ingénieurs de Purpan) sur proposition de thématiques, une mutualisation de ressources existantes (trop dispersées actuellement), des ressources techniques (matériel de désherbage, vidéos), des formations de terrain (salariés agricoles et exploitants) et des contributions des différents acteurs présents à cette journée (profession et techniciens, instituts techniques, filières de production, enseignement agricole technique et supérieur et réseaux locaux).
Les formations de l’EPLEFPA de Tarn et Garonne « Campus Terre et vie » s’impliquent sur les fermes
De part des formations différentes, plus professionnelles au LPA de Moissac et plus générales ou sur le service aux personnes en milieu rural à Montauban, les publics sont différents, mais les réponses apportées montrent que quelques soient les élèves, les exploitations servent de support pédagogique.
L’exploitation de Pesquié, distante de quelques kilomètres du lycée de Moissac et du CFPPA, gère des élèves de filières professionnelles avec un planning de réservation pour éviter la concurrence entre les centres. L’exploitation de Capou jouxte le lycée de Montauban et accueille très peu de formations techniques, hormis les BTSA production horticole (PH). Par contre les formations courtes du CFPPA y sont très présentes. Thomas nous informe « d’une très bonne utilisation pédagogique notamment avec la filière SAPAT pour l’accueil à la ferme, avec comme exemple la découverte des vergers par les habitants de Montauban ». Les BTSA PH de Capou sont impliqués dans les expérimentations sur la ferme et la production de plants dans une serre « atelier pédagogique ».
L’innovation agroécologique se développe au service de la production locale et durable
Les deux fermes sont impliquées dans l’expérimentation en agroécologie avec le CASDAR Synergie qui permet de travailler sur les maladies telluriques de l’oignon et de l’ail et le CASDAR CODEFI Arbo-Viti bio pour gérer l’enherbement. L’appartenance au GIEE ArboNovateur a permis aux BTSA production horticole (PH) et technico-commercial de participer aux travaux liés à la maîtrise de l’eau et de valorisation du métier d’arboriculteur.
Le projet des exploitations est de développer le maraîchage bio pour mieux fournir la restauration collective des établissements scolaires, des maisons de retraite et du territoire en général. Ce projet suppose une nouvelle organisation des productions pour mieux produire et pour mieux commercialiser. Au niveau du verger, les conversions en AB permettent un accroissement des quantités labellisées AB en pommes, en raisins chasselas ou en kiwis en gérant les variétés selon leurs débouchés. C’est cela qui a amené Rémy Oustrières à surgreffer un verger de pommiers obsolète avec la variété Pixie Crunch. Les leviers agroécologiques d’avenir sont notamment la plantation de haies, la gestion économe de l’eau, la mécanisation du travail sur le rang de fruitiers pour sortir du glyphosate et l’enherbement inter-rangs pour optimiser la gestion de la fertilité et du travail. En bon gestionnaire, Thomas conclut : « Mieux gérer, c’est faire moins compliqué et faire bien ce qu’on fait déjà. C’est évoluer vers plus de rigueur dans l’organisation. Mon ambition est de contribuer à nourrir le territoire avec des légumes locaux et bios comme le demande la loi Egalim. »
Les trois questions de fin- De quoi êtes-vous le plus fier ? « Du regain d’image de nos exploitations sur le territoire et d’avoir réussi à réintégrer les exploitations pas comme des modèles mais comme des exemples ! »- S’il fallait améliorer quelque chose ? « La rentabilité économique pour générer de la confiance et rentrer dans un cercle vertueux en fournissant des légumes bios et locaux sur le territoire. » - Un conseil à donner à un éventuel successeur ? « Faire confiance aux partenaires et travailler en équipe. » |
Les deux fermes de l’établissement d’enseignement agricole de Tarn et GaronneLa ferme de Capou (site de Montauban) en chiffres :- SAU : 30 ha irrigués (pompage privé) dont 10 ha partagés avec le CEFEL. Les 20 ha de Capou sont répartis en deux ateliers : La ferme de Pesquié (site de Moissac) en chiffres :- SAU : 20 ha irrigués et sont répartis en trois ateliers : Sur les deux fermes :3 ETP salariés et équivalent 3 ETP en saisonniers en plus des deux DEA |
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