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L'huile d'olive à St Rémy de Provence : une question de passion, de technicité et de pédagogie

Au cœur de la Provence et du Parc Naturel Régional des Alpilles, l’exploitation de l’établissement de Saint Rémy de Provence s’est fixée de relever deux défis majeurs : concilier innovations et pratiques ancestrales pour produire une huile d’olive de qualité. Zoom sur une jeune exploitation qui s’engage, avec des apprenants, pour participer au développement agricole de son territoire en assurant sa pérennité économique.

Dès notre arrivée sur le site de l’exploitation de Saint Rémy de Provence, aux portes du centre historique de la ville, nous sommes accueillis chaleureusement par Laurent Medori, nouveau directeur de l’exploitation. Commence alors l’épopée de la fabrication du produit emblématique de l’exploitation et de la région, l’huile d’olive. Paradoxalement, le parcours débute dans la boutique de l’exploitation. Elle va être très prochainement réouverte au public et propose les produits des deux appellations de l’exploitation, l’huile d’olive AOP de Provence et l’huile d’olive AOP Vallée des Baux de Provence, ainsi que des produits cosmétiques et olives en bocaux. « L’objectif est d’ouvrir la boutique un jour par semaine, de proposer une gamme des produits de l’exploitation et des exploitations de lycées agricoles voisins. La boutique est un atout pour valoriser notre production, parler de nos pratiques, de l’importance de la pédagogie et de la transmission avec des consommateurs » nous explique Laurent.

Une production au sein même de l’établissement

La fabrication de l’huile est réalisée sur le site de l’établissement. Cette année, un peu moins de sept tonnes d’olives, récoltées avec l’aide des stagiaires du Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole (CFPPA) en Certificat de Spécialisation Oléicole et des CAPA Jardiniers Paysagistes de l’établissement, ont été triturées pour donner 930 litres d’huile. En 2022, la récolte a été limitée de moitié par comparaison aux années précédentes à cause de l'effet de la canicule de mai lors de la floraison et de la sécheresse estivale. « Cela m’a permis de réorganiser la chaine de production et de prendre mes marques » souligne Laurent qui a dû gérer la récolte et la fabrication de l’huile moins de deux mois après sa prise de fonction. En effet, il faut faire vite, les olives ne doivent pas patienter plus de 48 heures avant la trituration. Elles sont récoltées avec des peignes, sur des filets posés au sol puis transportées sur le site du lycée. Une fois effeuillées, elles sont broyées, avec le noyau, dans le moulin de l’établissement, fonctionnel depuis 2020. « Broyer les noyaux avec les olives assure une meilleure conservation de l’huile grâce aux polyphénols qu’ils contiennent » explique Laurent. Commence alors le malaxage de la pâte d’olive et des noyaux avant la séparation par pompage des phases solide et liquide et la séparation de l’huile et de l’eau. Les grignons, galettes récupérées après pressage, sont utilisés comme fertilisation, pratique qui se développe dans la région. Les apprenants participent à chacune des étapes de la production. A Saint Rémy, les huiles ne sont pas filtrées. Elles reposent en cuves, décantent pendant un mois avant soutirage.

Un parcellaire dispersé et chargé d’histoire

L’exploitation oléicole d’une surface totale de 17 hectares, se compose de dix parcelles de 39 ares à 5 hectares. L’ensemble est conduit en agriculture biologique. Ce parcellaire dispersé, caractéristique de la région, impose de longs trajets en tracteur. Les parcelles sont mises à disposition de l’exploitation par des particuliers, associations, communes via des conventions pour des durées variables. L’enjeu est de pérenniser l’exploitation et de consolider la production. C’est dans le seul verger irrigué, de trois hectares, que Laurent explique la taille des oliviers : « C’est une étape capitale car les olives sont portées par le bois de l’année précédente. Si la taille est trop sévère, la production d’olives est pénalisée. L’objectif est d’avoir des jeunes branches avec des rameaux capables de produire une quinzaine d’olives chacun ». Cette opération, réalisée pour partie dans le cadre de travaux pratiques par les CS oléicoles, sera effectuée une année sur deux à partir de 2023. Ce choix technique devrait permettre de limiter l’alternance de production fréquemment observée (à savoir, une « bonne » année – une « mauvaise » année). Le sol est couvert d’un broyat des branches issu de la taille. Cet épandage apporte cinq unités d’azote (soit 8 à 10% des besoins moyens) et permet de limiter l’achat de fertilisants.

La visite se poursuit par une parcelle d’oliviers pâturée par des moutons d’un éleveur des Alpilles. Ce partenariat est à bénéfices réciproques : le pâturage réalisé sur des périodes très brèves limite la pousse de l’herbe dans l’oliveraie et la fertilise tout en offrant des ressources fourragères à l’éleveur. Après une étape dans une parcelle d’oliviers aux abords de la maison de Santé Saint Paul où a été soigné Vincent Van Gogh et où Laurent se prend à rêver d’une huile d’olive en hommage au peintre célèbre, s’ouvre le domaine de la Pyramide. Dernière parcelle mise à disposition de l’exploitation. Les 175 oliviers occupent une vaste et ancienne carrière d’où ont été prélevés les blocs qui ont permis de construire les monuments de la ville à l’époque pré-romaine.

Une jeune exploitation qui veut peser dans le territoire

Si les débuts de l’exploitation sont récents, son évolution est remarquable. Elle débute en 2001, lorsque la commune de Saint Rémy achète une parcelle d’un hectare et la met à disposition du Conseil régional. Les fondations sont posées et l’exploitation se structure, recherche des oliveraies à travailler pour ancrer la pédagogie. En 2015, la structure est reconnue comme centre constitutif de l’EPLEFPA. Aujourd’hui, Laurent Medori est à la tête de 3 500 pieds d’oliviers et il s’est fixé des objectifs ambitieux : pérenniser l’exploitation en consolidant à court terme la production et permettre l’innovation technique, au service de la formation et de l’animation du territoire. Cette pérennisation passe par la modification de pratiques culturales (taille des arbres) et par la recherche de nouvelles oliveraies. Ainsi, 675 oliviers sont nouvellement gérés cette année.

En parallèle, Laurent souhaite développer l’expérimentation. Des contacts ont été pris avec France Olive (Association Française Interprofessionnelle de l'Olive), le SIOVB (syndicat interprofessionnel de l'olivier de la Vallée des Baux-de-Provence) et la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône. Des expérimentations devraient s’engager sur la gestion des sols vivants et sur des aspects sanitaires. En effet, la mouche de l‘olive est un ravageur important de la culture qui provoque des dégâts quantitatifs (chute accélérée des olives) et qualitatifs (altération de la qualité de l’huile). En Agriculture biologique, les seuls traitements autorisés sont la pulvérisation d’argile. L’exploitation va tester trois types d’argile et mettre en place une expérimentation sur la gestion de la mouche par vidéo détection. Les résultats de piégeages et de comptages de la mouche de l’olive, réalisés par les apprenants seront mutualisés avec l’interprofession France Olive.

L’exploitation envisage également de diversifier sa production par l'élaboration de cuvées spéciales d'huile d'olive aromatisées aux agrumes (cédrat) et l'implantation de ruches qui assureraient une meilleure pollinisation et un revenu complémentaire.

D'autres projets devraient voir le jour prochainement pour rester démonstratifs et connectés au territoire. L'exploitation projette la plantation d'oliviers en haie fruitière mono-espèce, technique culturale parfois controversée. En effet, la production, mécanisable et plus intensive, est plus précoce (dès quatre ans), le tonnage élevé à l'hectare (jusqu’ à 10 tonnes d'olives) et la durée de vie de la plantation plus courte (15 ans). Pour Laurent, ces techniques culturales méritent d'être étudiés et observés par les apprenants.

 

Dans les prochaines années, l'exploitation de Saint-Rémy va présenter un visage diversifié, respectueux de l'environnement, du travail de la qualité des produits et attentif aux innovations.

Trois questions à Laurent Médori, directeur de l’exploitation :

- De quoi êtes-vous le plus fier ? :"Je mets des graines pour l’avenir. Je suis fier de transmettre, de voir le sourire des apprenants, de faire goûter les produits de notre travail au personnel du lycée, aux enseignants. Le produit que l’on fabrique est noble, il a du sens. On ne produit pas des pièces automobiles. L'huile d'olive, comme le vin, est un art éphémère. L’exploitation est au service de la pédagogie, de l’établissement. Ce n’est pas une fierté, c’est une nécessité »


- S’il fallait améliorer quelque chose ? "il faut encore rationaliser la production et apporter une vision plus agricole, plus paysanne. Cela passe par la diversification comme l’implantation de ruches pour produire du miel et conforter le revenu ».


- Un conseil à donner à un éventuel successeur ?  "je lui donnerai les codes d’accès des différents logiciels, le tuilage est indispensable pour une bonne prise de poste ! Puis je lui parlerai des oliviers, arbres de la transmission ».

Le parcours du directeur de l’exploitation, Laurent Médori

Laurent Médori est directeur d'exploitation depuis le 1er septembre 2022. Il n'a pas découvert la production et la transformation oléicole à son arrivée à Saint Rémy de Provence. Œnologue de formation, il a travaillé pendant une vingtaine d'années à l’ Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). Il a été chargé de règlement en oléiculture et apiculture, expert pour l’Organisation Internationale de vigne et du vin, … c'est un familier des expertises sensorielles en vin, miel, huile d'olive. Au cours de son parcours, il a été formateur l’INAO. Il voit son arrivée à l’EPLEFPA de Saint-Rémy comme une continuité. « Mon père était prof en lycée agricole, j'ai l'impression de revenir à la maison. Tout ce que je fais aujourd'hui a du sens car c'est fait pour les élèves » s'enthousiasme-t-il.

 


Quelques chiffres clés :

Surface totale : 17 ha avec 3 500 pieds d’oliviers

Un rendement en production de 15% soit 0.15 litres d’olive pour 1 kg d’olives environ

Un tunnel de maraichage sur une parcelle de 0.5 ha qui sera mise en culture au printemps 2023

Une salariée à 70%


Contacts utiles :

Site internet de l’EPLEFPA : https://lpa.st-remy.educagri.fr/

Jean Louis Brifflot, Directeur de l’EPLEFPA : jean-louis.brifflot@educagri.fr

Laurent Medori, Directeur de l’exploitation agricole : laurent.medori(at)educagri.fr

Jean François Brisse, chargé de mission ADT, DRAAF-SRFD PACA, jean-francois.brisse(at)agriculture.gouv.fr

Mai 2023, Hervé Longy, Emmanuelle Zanchi, animateurs Réso’them de l’enseignement agricole