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L’exploitation de l'Isle sur la Sorgue au cœur d’une filière locale de boulangerie

Depuis 2018, l’exploitation de l’Isle sur La Sorgue produit des blés pour des pains fabriqués et commercialisés dans le bourg : une nouvelle filière locale créée grâce à l’engagement des acteurs locaux.

Du grain au pain, l'histoire d'une filière : "on l’a rêvé et on l’a fait !"

Loïc Charpentier, DEA du Lycée agricole La Ricarde explique l’origine du projet : « En 2018, j’ai été sollicité par Yannick Mazette, boulanger à l'Isle-sur-la-Sorgue qui souhaitait créer une farine 100% locale. Tout était à construire ! ». L'exploitation du lycée produit des céréales depuis une trentaine d'année, notamment du blé dur (destiné à la fabrication de semoule et de pâtes). A l'automne 2018, l'aventure démarre avec le semis de 5 hectares de blé tendre. Une des difficultés a été de cultiver des mélanges à 4 variétés (Montécarlo, Apache, Orloge, Calumet) permettant d’avoir des farines optimales et non plus seulement des cultures monovariétales, précise Loïc. Une vingtaine de tonnes de blé seront récoltées par les lycéens et apprentis mobilisés sur ce projet dès la première année. La Minoterie Giral située à Orange, à une quarantaine de kilomètres, est ensuite mise à contribution pour tester diverses moutures à partir des différentes variétés de blé. Les premières farines disponibles sont testées par Yannick Mazette, en collaboration avec plusieurs Meilleurs Ouvriers de France. Finalement, la première baguette baptisée « Insula » est commercialisée dans les boulangeries de l'Isle-sur-la-Sorgue.  Aujourd’hui, ce sont près de 30 ha de blé tendre qui sont cultivés sur l’exploitation.

Au départ, la construction de cette filière a été soutenue par la mairie de l’Isle sur La Sorgue dans le cadre de sa politique d’attractivité et de sa marque territoriale partagée « Isle-sur-la-Sorgue Village-monde ».

Une filière exigeante qui nécessite de travailler main dans la main

Si sur le papier, l’idée parait facile à mettre en œuvre, c’est la collaboration étroite entre tous les acteurs du territoire et leur effort d’adaptation qui ont rendu réalisable la création de cette filière blé locale. En effet, pour structurer une filière économiquement viable, chaque acteur doit trouver sa place.

Ainsi, directeur d’exploitation, meunier et boulanger ont choisi ensemble les mélanges variétaux, pour avoir un mélange qui convienne à tous, que ce soit en termes de productivité, de qualités organoleptiques ou de panification. Aujourd'hui, le choix s'est porté sur 4 variétés en mélange, mais pour Loïc Charpentier, passer de variétés uniques à des mélanges n'est pas si simple: « On fait nos semis en mélanges et on se rend compte que quand on sème, on a malgré tout des bandes qui se distinguent par variété ! En fait, les variétés s’écoulent dans le semoir en fonction de leur densité, donc même malgré l’agitateur qui aide beaucoup, on a du mal à avoir des mélanges homogènes. » Cela est surtout problématique pour le boulanger qui lui, se retrouve avec des lots de farine hétérogènes qui l’obligent pour chaque lot à adapter son process de fabrication. Loïc explique : « Quand vous achetez une baguette « classique », il y a parfois 15 variétés de blés dans la farine. Alors que là, il n’y en a que 4. Lorsqu'il y a une grosse fluctuation dans le lot, l’impact est plus fort et la farine est complètement différente ».

 

Une adaptation permanente de tous les acteurs

Du côté de la production, une fois le choix des variétés défini, une contrainte forte porte sur la gestion des stocks. Les coûts de stockage et les risques sanitaires (notamment le risque de dégâts d’insectes, car les blés ne sont pas traités), obligent à ajuster la production à la demande. « On essaye de pas trop avoir de grains en stock. Mais on se couvre toujours : il ne pourrait rien nous arriver de pire que d’avoir une rupture de stock. S’il fallait, du jour au lendemain, dire qu’on n’a pas de baguettes de l’Isle parce qu’on n’a plus de farine, vis-à-vis des consommateurs, ce serait inconcevable ! précise Loïc Charpentier ». Pour l’exploitation, un des enjeux est donc d'assurer la continuité de l’approvisionnement et de trouver d’autres acheteurs pour les éventuels surplus.

Pour le meunier, la difficulté est de gérer des lots plus petits qui doivent être séparés et gardés 1,5 à 2 mois, ce qui complexifie la traçabilité des lots.

 

Quant au boulanger, il a dû adapter ses méthodes de panification car la farine de l'Isle-sur-la-Sorgue est différente de celle qu’il travaille habituellement : « Au début, les premières baguettes étaient un peu difformes et elles avaient du mal à gonfler. La farine était très bonne, mais avec une farine brute sans additifs, c’était compliqué d’obtenir des pains de qualité régulière ! » raconte Loïc Charpentier.

La qualité de la matière première est cruciale pour le boulanger. Avec une filière locale, les temps de stockage et les phénomènes oxydatifs sont réduits et les qualités nutritionnelles de la farine préservées. Afin de travailler avec cette nouvelle farine, le boulanger Yannick Mazette s'est donc rapproché d'un Meilleur Ouvrier de France en Boulangerie pour mettre au point les méthodes de fermentation et les temps de pétrissage. Son défi était de « retrouver le gout du blé » avec une fabrication la plus simple possible : peu de pétrissage, peu de mécanisation et de longues fermentations.

Le savoir-faire de chacun et le dialogue sont des éléments essentiels dans la réussite de ce projet.

Pour les jeunes de l’établissement « Manger le pain issu de nos blés » à la cantine permet de « boucler la boucle »

Ce projet présente un réel intérêt pédagogique pour les apprenants qui suivent toutes les étapes du semis jusqu’à la dégustation des baguettes. Ils sont impliqués directement dans la production et la récolte des blés. Par exemple, les élèves en 1° année de Bac Pro agroéquipement ont semé le blé en semis direct, ils participent aussi à la moisson. Ils appréhendent l’ensemble de la filière et acquièrent une meilleure connaissance des attentes de l’aval de la filière. Avec le concours des enseignants en agronomie, agroéquipements et économie, ils visitent la minoterie et la boulangerie, ont l’opportunité d’échanger avec les acteurs et de déguster les différents pains... et ils en parlent autour d’eux !

Durant plus d’un an, ils ont consommé quotidiennement la baguette à la cantine. « Malheureusement, on est revenu à du pain « classique », explique Loïc. En effet, pour le moment, la demande de la cantine s’oriente vers des gros pains plutôt que des baguettes, plus adaptés à la fabrication de nombreux sandwiches « maison », nécessaires lors de fréquentes journées de travaux pratiques sur le terrain.

Actuellement, le boulanger et la cantine n'ont pas encore trouvé la bonne formule : la demande de la cantine pour de gros pains engendre une surcharge de travail et des coûts supplémentaires pour le boulanger, qui ne peut produire un pain spécifique et assurer lui-même la livraison à la cantine de l'établissement. Un regret pour les acteurs de la filière, pour qui cette démarche tient à cœur. En revanche, la baguette L’Isloise est vendue aux personnels de l’établissement et elle est proposée à chaque manifestation du lycée. Le résultat obtenu concrétise les efforts de tous les acteurs et est plébiscité par les clients : un gout inégalé, une texture alvéolée et la fierté de consommer un pain local !


Formations

Le lycée propose des formations dans les domaines de l’agroéquipement, de la production agricole et de la nature de la 3ème au BTSA en formation initiale ou en apprentissage.

Pour en savoir plus

Film illustrant le projet

Article de la mairie de l’Isle sur La Sorgue

Contacts

  • Loïc Charpentier, Directeur de l’exploitation de l'Isle sur la Sorgue, loic.charpentier(at)educagri.fr  
  • Nathalie Maino, enseignante en économie, nathalie.maino(at)educagri.fr
  • Isabelle Chabot, enseignante en agronomie, isabelle.chabot(at)educagri.fr
  • Eric Varnier, directeur de l’établissement, eric.varnier(at)educgari.fr
  • Jean-François Brisse, chargé de mission ADT, DRAAF-SRFD PACA, jean-françois.brisse(at)agriculture.gouv.fr
  • Site web de l’établissement : www.lpa-ricarde.fr


Mars 2024 - Irène Allais (animatrice RésoThem Alimentation), Alice Garnier et Claire Herrgott (formatrices à l'Institut Agro - campus de Florac)