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En Guyane, la souveraineté alimentaire est une priorité

Réso’them a proposé une formation à l’agroécologie en Guyane à destination de l’enseignement agricole public et privé. Les participants ont pratiqué la démarche « d’entretien stratégique » en s’appuyant sur l’exploitation agricole de l’établissement de Matiti. La souveraineté alimentaire y constitue la base d’une stratégie agroécologique en élevage et en productions végétales.

Matiti bénéficie de conditions idéales pour développer l’agroforesterie tropicale

Situé entre Cayenne et Kourou en zone de savanes, l’EPLEFPA de Guyane bénéficie de conditions optimales pour l’agroforesterie tropicale avec une pluviométrie de 3000 à 4000 mm/an. La principale difficulté agronomique reste l’hydromorphie des sols (excès d’eau) et l’invasion d’adventices comme les cypéracées (monocotylédones herbacées dont fait partie le papyrus) qui se multiplient par rhizomes avec l’excès d’eau (abords de la cacaoyère et sur toutes les parcelles humides). Le CIRAD a développé au centre de Kourou, une collection mondiale de cacaoyers. Avec son appui, l’exploitation agricole a misé sur l’implantation d’un projet cacaoyer sous couvert de la canopée. A partir de sa collection, une dizaine de variétés ont été plantées à Matiti dès 2020 sur une surface de 0,5 ha qui permet de valoriser un bosquet naturel. A terme, c’est une nouvelle filière Cacao qui devrait se développer ici. Située à proximité des bâtiments et des serres, la cacaoyère est accessible aux étudiants. Dans ce contexte, l’agroécologie est une évidence. Pour l’enseignant d’agronomie Arnaud Laridan « l’agroécologie, c’est travailler avec la nature et donc avec laforêt ». La réalisation de ce projet permet déjà d’en envisager d’autres. Pour Charles Edmond, le directeur de l’exploitation, « d’autres productions restent à intégrer comme la vanille et le bois de rose, ce qui permettrait de collaborer aux filières locales de parfumerie et d’ébénisterie. »

 

Une exploitation qui s’oriente vers l’AB

Avec 2 ha cultivés en maraîchage et horticulture, l’exploitation agricole a évolué vers l’AB. Pour Charles Edmond, « l’objectif était de sortir des pesticides et de produire une alimentation saine. ». Les contraintes rencontrées en AB sont l’enherbement avec l’envahissement de cypéracées du fait de la pluviométrie inhabituelle. Pour limiter l’enherbement, le recours habituel est le paillage. Les engrais utilisés sont bios et organiques. L’utilisation de planches bétonnées sous abri a permis de faire évoluer les sols en remontant le pH et en faisant évoluer la couleur de la terre (plus noire grâce à l’humus) avec les vers de terre. La principale difficulté de l’AB est le manque de valorisation des prix au consommateur. Les clients de l’exploitation sont la coopérative Biosavane, un revendeur individuel et un magasin Bio. La production animale n’est pas encore labellisée mais « Les caprins pourraient être valorisés en AB en s’appuyant sur la biodiversité naturelle et des plantes à protéines. » précise Charles Edmond.  La filière bio reste à peine émergente en bovins et est rendue très difficile par les besoins en concentrés qui sont importés. Si l’exploitation est autonome en fourrage de type « Kikuyu » (Bracharia humidicola), elle reste déficitaire en protéines. L’utilisation d’herbe fauchée vient compléter l’insuffisance du Kikuyu pour fournir une meilleure énergie au bétail.

Une formation « EPA » à Matiti

Avec les bacs pro CGEA, CPH et AP, le bac STAV et les BTSA DARC et GPN en formation initiale, l’EPLEFPA de Guyane dispose de nombreuses relations sur son territoire. Natacha Hutin, enseignante d’économie et référente d’agroécologie à Matiti, a réalisé l’entretien stratégique avec Corinne Sambin, enseignante d’agronomie) en BTSA DARC  1 en étudiant la production végétale dans le cadre de la pluri en module M56 (stratégie de l’entreprise agricole). A la suite de cette expérience, la formation « EPA » avait pour mission d’inciter les équipes pédagogiques à mieux s’impliquer en agroécologie en pratiquant la démarche avec les apprenants. Pour répondre à ce besoin, Réso’them a réalisé une formation à trois voix : PhC, EZ et HL du 26 au 30 juin 2022 à Matiti. Cette formation, appuyée par la DAAF, s’adressait aux enseignants des établissements public (EPLEFPA de Guyane) et privés (Lycée agricole Cécile Cheviet à Saint-Laurent de Maroni, MFR du littoral Ouest à Mana et MFR des fleuves de l’Est à Régina). Elle a rassemblé 15 stagiaires le premier jour et 11 stagiaires pour la démarche « d’entretien stratégique ». La formation avait pour objet d’approfondir la notion d’agroécologie en s’appuyant sur des repères, des outils et des ressources puis de pratiquer l’entretien stratégique à l’exploitation agricole de Matiti.

Parmi les fiertés et réussites évoquées par Charles Edmond, il y a le recrutement d’un ancien élève qui s’occupe du troupeau, l’obtention du label AB, le rajeunissement de l’âge moyen du troupeau bovin (de 12 à 6 ans), le développement du cacao et la production de plantes médicinales (Moringa, gingembre…). Les expérimentations avec le CIRAD ont permis, outre le cacao, de réaliser des tests sur papayers nains et tomates.

Les travaux de groupes ont donné lieu à des résultats d’analyse pour présenter les mots clés, les enjeux locaux, les problèmes, les fiertés, les idées et les pistes de chantiers en agroécologie. La référente EPA Natacha Hutin a témoigné de son travail réalisé avec des BTSA DARC en production végétale à partir de la démarche d’entretien stratégique.

La souveraineté alimentaire est au cœur des futurs chantiers stratégiques

Les deux chantiers stratégiques d’agroécologie proposés pour l’exploitation agricole de Matiti mettent l’accent sur la souveraineté alimentaire. En production animale, dans les trois ateliers (bovin, porcin et caprin), l’objectif est d’améliorer l’autonomie alimentaire des cheptels et l’autonomie financière de l’exploitation en jouant sur une baisse des coûts, une valorisation de la chaine de fenaison et une amélioration de la ration protéique. L’EPLEFPA de Matiti disposera prochainement de sa propre cantine scolaire. Sa production végétale diversifiée sur deux hectares en maraîchage, plantes médicinales, condiments et plantes ornementales nécessite une structuration pour mieux produire. L’objectif est de valoriser sa production en mieux ciblant la demande : ventes aux professionnels et approvisionnement du futur self. Pour cela, un plan d’action sera établi pour relever ce défi. Le dernier enjeu identifié à Matiti est d’animer les formations en lien avec l’exploitation agricole. Pour appuyer ce besoin, le dispositif « émergence » apporterait une réponse utile à l’établissement en 2022/2023.

Lors de la formation « EPA », les MFR ont identifié un chantier stratégique destiné à relancer l’agroécologie dans leurs établissements. L’objectif serait d’amener chaque MFR à disposer d’une personne référente et d’intégrer l’agroécologie dans leur dispositif pédagogique en fonction des besoins du terrain.


    Les chiffres clés de l’exploitation

    • Surface totale : 140 ha dont 80 ha en prairies, 56 ha en couverts boisés, 2 ha en horticulture et une cacaoyère de deux ans sur 0,5 ha.
    • Productions : viande (veaux issus de Brahman croisé gasconne, porcins et chevreaux locaux) avec 8 truies et un verrat, 50 vaches allaitantes et 15 chèvres. Maraîchage AB (laitue, roquette, épinard-baselle, gombo, aubergine, tomates, concombre-courgette), fruitiers (mangues, avocatiers, arbre à pain), horticulture, oseille « peyi » (hibiscus) et plantes médicinales ou aromatiques AB (Moringa, gingembre, gros thym…).
    • Salariés : 4 ETP (1 en élevage et 3 en horticulture) hors DEA.


    Contacts utiles


    Ressources utiles


    Juillet 2022 – Philippe Cousinié, Hervé Longy et Emmanuelle Zanchi, animateurs Réso'them de l'enseignement agricole