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Douai, vers une filière complète « de l’épi au demi »

Près de 500 stagiaire sont été formés en brasserie depuis 2011 à Douai Bio’tech par le CFPPA du Nord. Cette formation, et la micro-brasserie associée sont au cœur du projet de l’exploitation de l’établissement agricole douaisien. L’objectif est la réalisation complète de la filière pour produire, transformer et commercialiser une des deux seules bières de la ferme enseignement agricole. Rencontre avec David Lutun, le tout nouveau directeur…

Après de nombreuses années de difficultés techniques et économiques, l’exploitation agricole de l’établissement de Douai a cessé son activité en avril 2018.

Une exploitation à l’arrêt certes, mais avec des ressources disponibles : 55 ha de foncier, 3 000 m² de serres horticoles  et surtout une micro-brasserie, atelier de production de la ferme  dont les installations ont été maintenues en activité dans la halle agro-alimentaire par les enseignants en formations STA et par les formateurs du CFPPA.

La décision de reconstruire le projet à partir de cette installation est prise assez rapidement, suivie de celle d’embaucher…un brasseur ! David Lutun, 15 ans d’expérience dans des brasseries et dans le conseil aux professionnels, est tout autant intarissable que passionné : « J’ai découvert que j’adorais le partage des connaissances en faisant des séances pédagos sur des brassins éducatifs, j’ai donc relevé avec plaisir le challenge. Il faut dire que 80% des microbrasseurs de France ont été formés ici ! »

Un savoir-faire unique ou presque

Créé en 2003, rue de l’université à Douai et déplacé sur le site actuel en 2014, l’outil de production à vocation pédagogique est l’un des quatre centres de formation brassicole reconnus en France. Véritable brasserie de dimension artisanale, il comprend deux belles cuves en cuivre et 6 fermenteurs, pour une production potentielle de 500 hectolitres par an. Bière de Noël, bière de printemps, blanche, blonde ou ambrée tout est réalisable ici, sachant que David souhaite se positionner en se démarquant de la standardisation des produits : « Avec une grande diversité de bières, on a su toucher le monde des amateurs de vins. Jusqu’à présent la force des brasseurs c’était d’être le plus régulier possible. Comme les vignerons, peu à peu on arrive à valoriser la diversité des goûts ». Et pour cela, il n’hésite pas à exprimer son ADN d’entrepreneur pour brasser autrement : ici, pas d’additifs de synthèse mais seulement des infusions en fin de brassage, comme ce « miel-fleur de sureau » qu’il nous invite à déguster dès la sortie du fermenteur avec fierté …. Et à juste titre ! « Ici, c’est le meilleur endroit au monde pour gouter une bière », continue-t-il, tout en expliquant le processus de fabrication : d’abord le choix du mélange de malts, puis le brassage et la filtration (dans la première cuve), puis la stérilisation par ébullition et l’aromatisation par le houblon et autres infusions (dans la deuxième cuve) et enfin la fermentation. Le tout en utilisant de l’eau du réseau (l’eau du captage voisin étant trop riche en fer), la matière première principale dont la minéralité influe sur la qualité du produit fini : « avec 5 à 7 litres d’eau utilisés par litre de bière rendu, le consommateur de bière est un consommateur d’eau qui s’ignore », lance-t-il malicieusement à un groupe de visiteurs, alors que des étudiants en TP contrôlent le bon déroulement du brassage…

La production de l‘Escreboise à Douai, un lien fort à la formation

La bière de l’établissement a sa marque : l’Escreboise. Elle est produite essentiellement par les apprenants, dans le cadre de leur formation : il n’y a pas moins de 420 heures par mois d’apprentissage avec du public CFPPA (module « formation longue » de 40 h et formations courtes complémentaires) et les 60 heures du module d'initiative locale « brasserie » du BTS STA, ainsi que des TP en  bac STAV ou en licence professionnelle biotechnologies et génie des procédés appliqués aux boissons, sous la houlette du directeur d’exploitation et des enseignants Michel Madrzyk et Hervé Chéné, par ailleurs commissaires adjoints en charge du concours général agricole section « bières »….

Un projet de filière « de l’épi au demi »

La gestion des 55 ha de SAU de l’exploitation en polyculture (dont des serres de maraîchage et un verger à l’abandon) est pour l’instant gérée par le recours à une entreprise de travaux agricoles qui réalise des prestations de service. Avant de faire des choix définitifs d’orientation, un travail de diagnostic est engagé, avec notamment une démarche d’étude des sols, une partie des parcelles pouvant être impactée par des pollutions industrielles (cadmium et plomb notamment). Ce travail est fait en lien avec un collectif d’agriculteurs, les services de l’État et ceux de la Région.

La production de maïs, betterave, orge et blé (et dans les serres de houblon et de produits potagers de base) sera accompagnée cette année de dosages des concentrations en métaux lourds, pour décider des orientations de productions à venir. L’idée (et l’envie) étant de pouvoir créer une filière complète « de l’épi au demi » : le projet envisage de réserver 2 ha à la production d’orge brassicole (sous forme d’essais de variétés locales et anciennes pour optimiser la diversification) et 10 ha au houblon (bien plus que nécessaire ici, mais qui correspondent à la « jauge » de l’investissement matériel nécessaire pour planter et gérer les plants, puis récupérer les lianes et sécher et broyer les fleurs qui seules servent à l’aromatisation). Également à l’étude, l’installation d’une micro-malterie expérimentale permettra de tester les orges les plus prometteurs jusqu’à la production de bière. David va prochainement engager un salarié, qui sera chargé de développer la production, de gérer l’embouteillage et l’étiquetage et bien sûr la commercialisation de l’Escreboise, pour l’instant assurée via le GIE de l’enseignement agricole et sur place en vente directe. L’idée est également de développer la fabrication de bière à façon. Le Musée de la Chartreuse, par exemple, vient de commander pour 12 puis 36 hectolitres d’une bière apéritive, l’Amusée, et d’autres collectivités ou associations pourraient suivre.

Le reste de l’exploitation sera vraisemblablement maintenu en cultures typiques de la région (pommes de terre, betteraves, blé, maïs, vergers de pommiers, maraîchage), mais si les contraintes sanitaires s’avèrent sérieuses, David pourrait envisager des tests sur des cultures non alimentaires : chanvre textile, miscanthus, bioplastique, huiles essentielles, …

La réflexion est menée avec le projet alimentaire territorial du Douaisis. David aimerait pouvoir à terme fournir en produits locaux et si possible AB notamment la restauration scolaire sur le territoire de la Communauté urbaine du Douaisis, en parallèle du développement de la compétence brassicole et de conseil aux professionnels. Il y a de quoi faire : il s’ouvre en France une micro-brasserie par jour, et David rêve à voix haute qu’il y ait ici un jour une microbrasserie par village …


Contacts utiles/en savoir plus :

 

Mars 2019 - Karine Boutroux et Dominique Dalbin, animateurs Réso’them de l’enseignement agricole