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Changement climatique, les alpages s’adaptent

Contamine sur Arve : L’alpage école de Sulens développe différentes stratégies entre économie en eau, recherche de ressources fourragères endémiques variées, gestion du pâturage. Soucieux de l’image du territoire, l’ensemble du lait d’été est transformé en alpage en fromages fermiers sous labels savoyards.

Economiser l’eau

L’alpage de Sulens (74) est situé en tête de bassin versant ; il a donc des réserves en eau peu nombreuses et doit nécessairement s’adapter au risque de manque.  

Afin de concilier abreuvement des animaux et préservation de la zone humide, une partie du flux hydrique de la zone a été capté afin d’alimenter les abreuvoirs. On évite ainsi le piétinement de la zone et les contaminations via les bouses. Le bénéfice est en faveur de la biodiversité. 

Cette eau de drainage vient compléter l’eau d’une source captée. Ces eaux sont stockées et potabilisées dans une citerne de 133 m3 destinée à l’utilisation pour la fromagerie et la consommation ménagère du chalet. De plus, des toilettes sèches sont installées pour limiter la consommation d’eau potable du personnel, des apprenants et des visiteurs. 

Pour les animaux, 200 m3 sont stockés dans une citerne souple pour l’abreuvement. Par gravité, chaque parcelle est équipée d’un abreuvoir à flotteur permettant d’économiser de l’eau.  

 À la construction du chalet, le stockage de l’eau devait assurer 40 jours d’autonomie, toutes activités confondues. « Avec le changement climatique, nous souhaitons le vérifier. Pour cela, des compteurs seront installés pour quantifier précisément la consommation d’eau pour la vie domestique, la transformation et l’abreuvement des vaches » explique Morgane Duffy, cheffe de projet. Ces compteurs bénéficient de financement FEDER et FNADT (Programme interrégional du massif alpin) Biodiversité. « L’occasion de vérifier par exemple si le pâturage en sous-bois a une influence sur la consommation d’eau par les vaches » ajoute Morgane.   

Susciter le pâturage en sous-bois

L’adaptation au changement climatique passe par l’économie d’eau mais nécessite également une véritable réflexion autour de l’utilisation de la ressource fourragère. Dans l‘alpage école, cela se traduit cette année par une nouvelle pratique : le pâturage des sous-bois. « Même quand il fait sec, l’herbe est toujours un peu plus verte en sous-bois. Néanmoins, elle est moins abondante » explique Louisa Daude, bergère à l’alpage depuis 3 ans. Fort de ce constat, une démarche d’amélioration du fond pastoral est menée sur une zone test de l’alpage. Un hectare de sous-bois a été éclairci : cela permet à la lumière de pénétrer, de favoriser un couvert herbacé et d’assurer une meilleure circulation des animaux tout en conservant les bienfaits de l’ombrage. Les défis à relever restent nombreux : rendre la zone plus attractive pour les animaux en introduisant, par exemple, des pierres à lécher dans les zones peu fréquentées, ou encore éduquer les animaux à la consommation d’une alimentation peu commune : les jeunes rejets de ligneux.

Réfléchir le pâturage autrement

Des parcs de pâturage de jour, des parcs de pâturage de nuit, du découpage de parcelles au fil électrique, autant d’opérations qui permettent à Louisa d’optimiser le pâturage et de « démontagner » le plus tard possible. Du fait de son faible étagement, la ressource herbagère de l’alpage arrive au même stade physiologique au même moment. Pour une meilleure utilisation de l’herbe, Louisa conduit ses vaches en un rapide déprimage. Il permet de décaler la repousse des parcelles déprimées qui seront pâturées plus tard en saison.

Expérimenter, pour l’agroécologie et les transitions

Tout au long de la période d’alpage, des suivis sont réalisés afin de définir les impacts du pâturage sur l’évolution de la ressource fourragère de l’espace. Car, qu’on se le dise, les vaches ici ne mangent pas que de l’herbe et, en consommant des ressources ligneuses, participent à l’amélioration de la qualité de leur assiette ! Des suivis phytosociologiques sont ainsi réalisés par Morgane afin de définir, dans le temps, le changement de la composition végétale des espaces boisés et qualifier l’impact du pâturage. L’alpage-école est accompagné dans cette démarche par le Conservatoire des espaces naturels et le bureau d’études  Scopela. Il en est de même sur des espaces plus ouverts où Morgane constate les effets de débroussaillage mécanique sur des petit ligneux épineux (aubépine, prunelier). Sur ces parcelles, le bilan est mitigé : la réponse écologique de ces arbustes au débroussaillage est de réaliser, pour chaque pied d’arbuste éliminé, un nombre de rejets important (une trentaine) avec une présence d’épines beaucoup plus importante que sur les “pieds mère”, les rendant ainsi moins facilement consommables par les animaux. Il se crée ainsi des “patchs” de végétations non consommés, diminuant de fait le temps de pâturage par les animaux sur cette zone. Afin de lutter sur ce processus de reconquête ligneuse, l’équipe de l’alpage pourra modifier les dates de pâturage sur cette zone, faisant pâturer plus tôt pour que les animaux consomment les jeunes ligneux au moment où l’appétence de ceux–ci est au maximum, à condition que la pousse de l’herbe le permette. Un suivi de l’abroutissement permettra de mesurer l’efficience de cette solution.

Des opérations d’amélioration sont aussi menées par fauche du Vérâtre blanc, une des problématiques de l’alpage. Cette plante à tendance envahissante est inconsommable par les animaux et réduit fortement les durées de pâturages sur les zones où elle est présente.  Pour le réduire, tout le monde s’y colle ! Le nombre impressionnant de bêches stockées au chalet témoigne des grands chantiers organisés avec les apprenants.

D’autres suivis écologiques sont réalisés, ainsi l’alpage-école participe au projet ColCopEA, programme de sciences participatives initié par l’enseignement agricole et ayant pour objet d’étudier les relations entre les coléoptères coprophages présents sur l’alpage et les pratiques d’élevage. Cette année, deux classes du lycée ont participé à ce suivi, une classe de troisième et une classe de BTSA. Cela permet aux apprenants de découvrir la diversité insoupçonnée des bousiers et d’induire des réflexions sur les pratiques. 

Des Abondances en alpage riment avec fromage

Six jours par semaine, dès cinq heures du matin, Pauline Burnier Framboret, fromagère, transfère le lait de la traite de la veille dans une cuve en cuivre. Il est mélangé au lait chaud du matin qui arrive directement dans cette cuve par un lactoduc. En attendant la fin de la traite, Pauline démoule les fromages blancs fabriqués les jours précédents. Elle s’affaire également à laver les moules tout en nous rappelant l’importance d’une bonne hygiène pour des fromages de qualité. Le travail dans la fromagerie de l’alpage est rythmé : Pauline dose avec minutie les ferments pour fabriquer les bons fromages ; le lundi ce sont des tommes de Savoie et de l’abondance, le mardi et vendredi de l'abondance et le mercredi et jeudi de l’abondance et du reblochon (uniquement avec le lait frais de la traite du matin).  Elle prend des températures, des pH. Elle consigne toutes les données sur des feuilles journalières afin d’avoir une traçabilité optimale. 15 minutes après avoir mis les ferments dans le lait, Pauline se met à effleurer le lait avec sa main comme si elle le caressait. Du lait commence à cailler dans sa main quelques minutes plus tard. Il est temps pour Pauline de prendre le tranche-caillé, ses gestes deviennent plus amples et plus fermes. Le caillé qui avait pris en masse se transforme, sous les mouvements répétés du coupe-caillé.  Lorsque les morceaux de caillé ont la taille de grains de blé, il est temps de mouler. Les fromages abondance et reblochon sont vendus non affinés à la coopérative le Farto, à une dizaine de kilomètres. Ils sont descendus dans la vallée plusieurs fois par semaine, les abondances le lundi et le jeudi et les reblochons le mercredi. La tomme est affinée dans la cave de l’école alpage. Un point de vente à l’alpage propose les fromages aux randonneurs.  « Les fromages d’alpage sont les meilleurs, c’est normal nous mettons tout notre cœur pour les faire, et beaucoup de sueur. En effet, pour Louisa, la bergère, faire des parcs pour la pâture, aller chercher les vaches, c’est sportif. Et à la fromagerie, tout est manuel » nous confie malicieusement Pauline.


 

En savoir plus :

Site de l’EPLEFPA : https://epl.contamine.educagri.fr
Site de l’alpage école : https://alpageecoledesulens.wixsite.com/website
 

Contacts :

Morgane Duffy, cheffe de projet de partenariat alpage-école : morgane.duffy(at)educagri.fr
Emilie Fontaine, directrice de l’EPLEFPA : emilie.fontaine(at)educagri.fr
Mathilde Campedelli, DRAAF-SRFD AuRA : mathilde.campedelli(at)agriculture.gouv.fr


 

Juin 2024 – Cédric Boussouf, Hervé Longy et Emmanuelle Zanchi, animateurs Réso'them de l'enseignement agricole