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Animation et développement
des territoires
de l'enseignement agricole

Au pays de l’Abondance, La Roche sur Foron mise sur les transitions

L’École nationale des industries du lait et de la viande (ENILV) de la Roche sur Foron, établissement de référence sur le territoire, est confronté aujourd’hui à des contraintes économiques, sociales et environnementales le poussant à se questionner et à innover. Revue de quelques points abordés avec l’équipe de direction et d’expérimentation…

Blotti dans la vallée savoyarde de l’Arve, l’établissement de la Roche sur Foron est une « référence » sur le territoire, bien connu des filières fromagères et de la salaison. Des produits à forte typicité y sont fabriqués : jambons secs, jésus, viande de bœuf séchée pour la salaison et, pour les fromages, Abondance, Tomme de Savoie, Raclette, Meule Rochoise … ainsi que du beurre. Une partie des productions est vendue en vente directe à deux pas de l’atelier dans la boutique « La Ronde des Saveurs », ouverte du mardi au samedi.

Les ateliers sont conçus pour une production quotidienne dans des conditions proches des industries du secteur. Par exemple, 2 millions de tonnes de crème sont transformées en 800 tonnes de beurre chaque année grâce à une ligne automatisée. Ce modèle de fonctionnement implique une forte participation des apprenants et une activité minimale de production pour faire face aux coûts de fonctionnement. « Notre souci, c’est la taille de nos outils de transformation, trop gros par rapport à nos activités réelles », analyse Laurent Chevalier, le directeur de l’ENILV. « D’autant plus que nous avons à gérer une vingtaine de personnes en chantier d’insertion dans nos ateliers (en plus des 24 ETP de salariés de droit privé), ce qui induit des contraintes sociales et économiques supplémentaires. La production de Reblochon a dû être arrêtée en 2022, du fait d’un modèle économique non fonctionnel et d’un désengagement des producteurs laitiers attirés par d’autres coopératives. »

Du Reblochon à « l’Élixir du beurrier »

Si l’activité liée à la transformation du lait a diminué ces dernières années passant de 3 à 1 million de litres de lait transformés par an, l’établissement reste en pointe pour répondre aux attentes des filières. « C’est une activité essentielle d’accompagner les filières dans nos missions d’animation de territoire », précise Cécile Charles, chargée d’expérimentation et correspondante de l’enseignement agricole pour le RMT FlorePro. Ainsi, l’établissement est partenaire depuis 2022 du CASDAR ADAoPT, porté par le RMT Fromages de terroir pour accompagner les filières fromages AOP et IGP confrontées au changement climatique. « Nous y développons un module de formation, avec comme support la production de la Tomme de Savoie », poursuit-elle. « Nous avons également contribué à un projet pour accompagner les producteurs (et les futurs fromagers) à porter un nouveau regard sur les fromages au lait cru (déposé cette année dans le cadre du PNDAR démultiplication). »

Au niveau de l’atelier proprement dit, le principal projet en cours est l’implantation d’une nouvelle ligne de produits frais en remplacement de la ligne de fabrication du Reblochon. Des yaourts y seront fabriqués avec une demande croissante vers la restauration collective. Il est également prévu d’y fabriquer le produit maison « Élixir du beurrier », mis au point il y a quelques années pour valoriser le sous-produit babeurre en une boisson fruitée (dans le cadre d’une aide CASDAR TAE 2016-2019*), sous réserve de l’agrément sanitaire et sa mise en marché.

Des investissements pour un usage de l’eau optimisé

Face à l’enjeu du changement climatique et de la moindre disponibilité en eau, l’établissement s’est engagé pour en réduire sa consommation et améliorer la qualité des rejets en sortie des ateliers en adéquation avec les normes ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement). Ainsi en 2022 ont été inaugurés d’une part un nouveau système de nettoyage en place (NEP) et une station de pré-traitement des effluents (avant rejet en station d’épuration). « La nouvelle NEP a un impact significatif car elle a permis de passer de 72 à 52 m3 d’effluents par jour et d’économiser 30% des produits de nettoyage et de désinfection (acide et soude) » précise Alexandre Hanss, le directeur des ateliers de transformation. « Elle est dotée d’un système de supervision très visuel qui facilite la gestion du nettoyage dans les différents ateliers », poursuit-il. Quant à la station de pré-traitement, elle permet après dégraissage, floculation et coagulation d’extraire des boues qui sont valorisées par le méthaniseur de la communauté de communes. « Au-delà de l’investissement en matériel, ces nouvelles installations nécessitent 0.5 ETP en maintenance et logistique » rajoute-t-il.

Vers un retour des apprenants en production

Au fil des ans, l’offre de formation s’est étoffée vers des formations plus généralistes (notamment une classe de Seconde et un bac Sciences et techniques de laboratoire de l’Éducation nationale), le public est de moins en moins issu du milieu professionnel et la halle « pédagogique » d’utilisation plus souple que les ateliers est privilégiée pour la réalisation de TP. De ce fait, les apprenants s’étaient peu à peu éloignés des ateliers de production. Afin de remédier à cela, des réunions hebdomadaires de concertation entre formateurs (du lycée et du CFA) ont été instituées pour recréer des ponts entre les deux sphères. Cela a conduit par exemple à faire réaliser quotidiennement par les BTSA Anabiotech des prélèvements et analyses de la station de pré-traitement des effluents. Frédéric Reymondon, directeur du CFPPA renchérit : « On a même le projet de lancer une option Eaux industrielles alimentaires pour la licence professionnelle GASTE, ce qui permettrait de faire réaliser des TP ici avec comme support cette station de pré-traitement…et ouvrir cette licence à nos BTSA Bioqualim. »

Pas de doute, face aux évolutions du contexte local et des nouvelles contraintes, l’équipe met tout en œuvre ici pour garantir un outil de transformation adapté et innovant pour les apprenants et répondant aux attentes des filières et du territoire…

* CASDAR TAE : lire l’article de valorisation du projet / voir l’interview vidéo (2017)


En savoir plus sur l’ENILV : https://larochesurforon.enilv-alpes.fr/

Contacts :

Laurent Chevalier, directeur de l’ENILV : laurent.chevalier(at)educagri.fr

Alexandre Hanss, directeur de l’atelier technologique : alexandre.hanss(at)educagri.fr

Frédéric Reymondon, directeur du CFA-CFPPA : frederic.reymondon(at)educagri.fr

Cécile Charles : chargée d’expérimentation R&D : experimentation(at)enilv.fr


 

Mai 2023 – Irène Allais et Dominique Dalbin, animateurs Réso’them de l’enseignement agricole