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Rouffach, domaine pionnier en viticulture agroécologique et en agriculture biologique

Le domaine de l’École à Rouffach a démarré sa conversion AB dès 2015, à l’instar du vignoble alsacien, pionnier en la matière. L’exploitation s’est investie dans le désherbage mécanique et les couverts végétaux. Elle s’est engagée dans la co-construction de matériel avec les apprenants dans le CASDAR de co-innovation Vi’REG porté par l’Atelier Paysan. Sa perspective est de diminuer de moitié les volumes de cuivre et de soufre pour préserver la santé des sols.

Une exploitation viticole représentative de son territoire

Le site de Rouffach appartient à l’EPLEFPA Rouffach-Wintzenheim, Sillons de Haute-Alsace, qui réunit trois exploitations agricoles (Rouffach en viticulture, Wintzenheim en maraîchage et floriculture et la ferme de la Judematt en grandes cultures et volailles de chair).

Le domaine de l’École, étendue sur 15 ha, s’est convertie à l’AB dès 2015 pour atteindre 100 % de sa surface en 2022 à l’instar de l’Alsace, pionnière en agriculture biologique et influencée par ses voisins allemands. Le directeur de l’exploitation viticole (DEA), Hervé Bachmann, cite un étudiant de Rouffach : « Maintenant, les conventionnels sont devenus des OVNIS ! » en affirmant que « Le passage au bio est avant tout une affaire de conviction et que le bio est une philosophie. ». Il estime que « L’avenir du bio va vers l’innovation du vignoble. ». Le parcellaire, d’un seul tenant, est très découpé afin de bien représenter son territoire avec les sept cépages alsaciens : Riesling, Sylvaner, Pinot blanc (et Auxerrois), Pinot gris, Muscat, Gewurztraminer et Pinot noir. Plusieurs parcelles ont été arrachées récemment pour être plantées en Pinot noir, particulièrement adapté à l’évolution climatique et au marché.

Une exploitation tournée, plus que jamais, vers l’agroécologie

Même si l’exploitation est déjà en bio, elle poursuit ses efforts en cherchant à diminuer le cuivre et le soufre : « On s’attaque à la problématique cuivre pour passer de 2 kg à 1 kg de cuivre utilisé ha. Notre distributeur de produits phytosanitaires est d’accord. L’objectif est de tendre vers la biodynamie sans pour autant en demander la certification. Nous expérimenterons en compléments des préparations végétales à base notamment d’oranges amères.» précise le directeur d’exploitation. L’objectif est également de réduire le soufre qui est utilisé pour traiter l’oïdium avec du carbobasic® (Hydrogénocarbonate de sodium). Pour Hervé, « Nous avons pour objectif de réduire le soufre de moitié ». L’utilisation de biosolutions a permis au domaine de contrôler le Mildiou en 2022 et 2023 après une année difficile en 2021 (- 75 % de pertes). Le rendement au vignoble se situe autour de 50 hl/ha. Pour les vins d’Alsace, il est important d’améliorer la maîtrise des adventices sans herbicides car « le vignoble alsacien est prêt à repasser à une solution chimique par manque de main-d’œuvre. De plus, Il s’agit de changer les mentalités en montrant que l’enherbement ne nuit pas forcément au rendement et peut être un élément préventif déterminant pour la protection phytosanitaire. Faire du bio, c’est être plus observateur, plus réactif, et anticiper le travail du sol pour maîtriser les adventices. Nous cherchons à avoir zéro perte de rendement. » précise le directeur de l’exploitation.

Les infrastructures agroécologiques telles que les haies ont été développées autour des parcelles mais elles demandent du travail d’entretien, parfois elles semblent impacter négativement le rendement. Enfin les galeries de blaireaux, en lisière de forêts posent des problèmes de sécurité pour les tractoristes lors de l’effondrement de ces dernières.

Le facteur sol primordial pour la plante et la pédagogie de projet

Le directeur de l’EPLEFPA présente le système viticole en précisant : « Le sol nourrit la plante et il est primordial pour optimiser la production ».

Les sols de Rouffach sont très hétérogènes avec des risques d’hydromorphie mis en évidence par les travaux de Thomas Baradel, enseignant d’agronomie. « Nous avons identifié par endroits des racines coudées à 50 cm de profondeur et de la matière organique fossilisée en profondeur à 80 cm car le pH est élevé à 8,5, ce qui freine l’évolution de cette dernière en humus et sa minéralisation. Les sols font l’objet d’un travail pédagogique pour identifier les contraintes et les travailler, en réalisant notamment des analyses de terre régulières et des fosses pédologiques pour cartographier précisément les sols. ».

Thomas forme les apprenants en insistant sur la tolérance aux adventices : « Le rendement ne fait pas tout. Il faut accepter les pertes de rendement en AB et tolérer qu’une parcelle puisse être en partie sale, tant que la perte économique reste économiquement acceptable ou que le coût d’un désherbage mécanique ne permet pas un gain de rendement suffisant pour justifier cette opération économiquement. ». Pour cela j’ai construit un Q-Sort pour faire réfléchir les élèves afin de déconstruire les croyances et reconstruire leurs représentations sur des savoirs. ». Une de ses collègues anime des jeux sérieux comme VITARBAE (dont Sillons de Haute-Alsace est partenaire) et VITIGAME®. Les élèves ont été également associés au projet Viglyfree (2019/2022) qui a permis de réaliser une meilleure maîtrise des adventices.

Le directeur d’exploitation privilégie un travail sur une faible profondeur en TCS (techniques culturales simplifiées) afin de maintenir le plus possible de vie dans le sol. Le travail se fait dans le sens de la pente car pour Hervé « Le travail du sol perpendiculaire aux pentes augmenterait les dévers ». Le choix de l’AB rend les passages plus fréquents pour désherber. L’exploitation réfléchit à l’utilisation d’un robot sur batterie pour pallier le manque des petits tracteurs adaptés. Un rang sur deux est enherbé comme c’est la règle sur le vignoble. Ils sont alternés tous les cinq ans environ. Après avoir expérimenté divers semis de couverts, la priorité actuelle est de favoriser un enherbement spontané. Les engrais verts seront tout de même testés dans le projet CASDAR co-innovation 2024/2026 (PNDAR 2023) « Vi’REG » porté par l’Atelier Paysan pour l’adaptation d’outils aux engrais verts. Ces tests seront finalisés fin 2025. L’objectif est d’adapter des outils aux couverts végétaux en matériel co-construit avec les apprenants et les viticulteurs.

Des vins reflets du terroir alsacien

Le domaine de l’École de Rouffach produit une gamme complète de vins du terroir alsacien avec ses sept cépages. Sa gamme, en AB et en certification HVE, intègre une collection, « L’empreinte du terroir » avec le Grand Cru Vorbourg (Riesling, Pinot gris ou Gewurztraminer), des vins médaillés « La griffe de Rouffach » issus de cinq cépages, « La nature des cépages », le crémant d’Alsace, le vin orange et des vendange tardives. Le tout est proposé en vente directe à la boutique ou en ligne.

Des projets toujours plus agroécologiques et au service du territoire

L’EPLEFPA mène de nombreux projets. Grâce à un financement du conseil régional, Franck Roussel directeur en charge des exploitations de l’établissement, annonce l’ouverture prochaine en 2025 d’un nouveau magasin au domaine de Rouffach qui présentera les produits des trois fermes ainsi que ceux d’autres lycées agricoles et partenaires locaux. Un projet de paysage nourricier (avec des plantes à fruits) est à l’œuvre avec l’appui du pôle paysage de l’établissement (en lien avec les formations d’aménagement paysager). Il intégrera l’œnotourisme avec un nouveau lieu de dégustation. La filière aménagement, portée par le CFA, est active pour remettre en place des murs de pierres sèches, mener des plantations et réaliser des travaux de génie civil. Les sillons de Haute Alsace souhaitent réitérer le portage d’un DEPHY EXPE après la réussite du projet SEFerSol en maraîchage à Wintzenheim. Si le projet est accepté pour 2025/2030, le DEPHY EXPE REDUCS en viticulture AB aura pour objectif de réduire de moitié l’utilisation de cuivre et de soufre. Ce projet, d’un montant d’environ 480.000 €, serait porté par l’EPLEFPA avec la chambre d’agriculture d’Alsace (CAA), l’INRAE, l’IFV, le CIVA sur une superficie de 0,4 ha au sein du Domaine, et inclura en complément un observatoire de viticulteurs alsaciens (pas forcément bio) suivi par la CAA. Une réflexion sur les cépages résistants est en cours et si l’AOP Alsace le permet, de nouveaux cépages seront bientôt expérimentés sur le domaine.

Les chiffres clés de l’exploitation

  • Surface totale : 15 ha
  • Productions : 60.000 cols de vins d’Alsace
  • Salariés hors DEA : 2 ETP (viticulture), 2 ETP vente ; 1 ETP Vinification

Contacts utiles

 

Juillet 2024 – Philippe Cousinié et Hervé Longy, animateurs Réso'them de l'enseignement agricole