Aller au contenu principal
Logo du ministère en charge de l'agriculture et de l'alimentation

Animation et développement
des territoires
de l'enseignement agricole

Des engrais verts en viticulture, dans un contexte méditerranéen - Mise en place d’une expérimentation au Lycée viticole d’Orange, pour répondre à une problématique locale tout en fédérant plusieurs classes

Une expérimentation sur l'intérêt des engrais verts en contexte méditerranéen a été mise en place et suivie pendant 3 ans dans le cadre du projet Ecophyto'TER. Ce projet a été développé et mené par différents enseignants avec des classes de niveaux et filières variés, tous coordonnés par notre DEA. Des réflexions sur la conception du protocole expérimental, son évolution, les suivis de terrain jusqu'aux étapes de mise en place technique ont été conduites tout au long de la durée de ce projet. Des partenaires professionnels ont également contribué à l'acquisition de données.

L'expérience a permis de combiner différentes stratégies pédagogiques avec les étapes classiques d'un suivi expérimental. Le travail conjoint de la DEA et des équipes pédagogiques impliquées a été positif, malgré les difficultés rencontrées pour mettre en place un tel projet transversal. Les premiers résultats de l'expérimentation sont encourageants, bien que pour l'instant seulement quelques tendances se dégagent. Les approches pédagogiques, dans l'ensemble, ont été aussi satisfaisantes et ont permis d'aborder sous des nouveaux angles, plus pratiques, une problématique professionnelle locale et d'actualité.

 

Contexte du projet :

L'exploitation Château Mongin est en agriculture biologique depuis 2012 et a obtenu la certification HVE depuis 2020. Bien que sa transition vers une absence de recours aux herbicides ait été faite depuis de nombreuses années, elle poursuit la reconception de la gestion du travail de ses sols, notamment par une utilisation des engrais verts afin d’améliorer la fertilité. En effet, le contexte climatique local, de type méditerranéen, a conduit pendant longtemps les viticulteurs à mettre de côté l’enherbement de leurs parcelles afin de limiter les concurrences hydro-azotées. Mais, l’évolution des connaissances sur cette pratique conduisent peu à peu à repenser leurs itinéraires techniques. Cependant, les références restent encore limitées localement.

Reconcevoir son système de gestion du sol grâce au recours aux engrais verts, tout en limitant le stress hydrique de la vigne, est donc une pratique innovante dans le secteur pour laquelle il est important que l’exploitation acquière des références.

 

Mise en place de l’expérimentation :

Dans le cadre du collectif Ecophyto’TER « In vitis veritas », une parcelle de Syrah du Château Mongin a été fléchée pour la mise en place d’un essai visant à évaluer l’impact de deux types de couverts végétaux. Des suivis ont été réalisés sur 3 modalités :

  • 2 inter-rangs témoins (modalité T)
  • 4 inter-rangs semés avec un mélange d'espèces AB (Avoine rude, Vesce commune, Trèfle d’Alexandrie, Phacélie et Radis daïkon) (modalité M)
  • 4 inter-rangs semés avec de l'Avoine rude AB (modalité F/A)

Cette pratique est couplée à celle dite du « roulage » pour la destruction de l'engrais vert, dans le but de maintenir un mulch durant la période estivale pour protéger le sol des rayonnements solaires et ainsi limiter l’évaporation de l’eau, la parcelle ayant initialement été choisie pour son historique d’état de sécheresse précoce.

Cette expérimentation est mise en place pour une durée minimale de 3 ans (durée du projet Ecophyto’TER), mais devrait être poursuivie par la suite afin de consolider les résultats obtenus. Ainsi, plusieurs promotions d’apprenants se succèdent et vont continuer à se succéder afin de suivre cet essai.

Les objectifs généraux poursuivis sont donc :

  • Mettre en place une expérimentation adaptée au contexte local et à la problématique de l’exploitation, en intégrant les apprenants pour la mise en œuvre technique, mais aussi le suivi,
  • Créer des références diffusables auprès des professionnels locaux,
  • Impliquer nos apprenants dans l’étude d’une problématique actuelle

Et pour la partie technique :

  • Evaluer les effets des engrais verts sur la fertilité du sol et sur la vigueur de la vigne, en conditions méditerranéennes,
  • Améliorer la disponibilité en eau du sol et l’état hydrique de la vigne par cette pratique, couplée à au roulage.

 

Afin de mesurer les résultats de cette expérimentation, plusieurs suivis, plus ou moins instrumentalisés ont été mis en place :

  • Pédologiques : ouvertures de fosses pédologiques et observations des profils de sol, analyses de sol afin de faire un état 0 de la parcelle,
  • Physiologiques : vigueur, équilibre de la plante, maturité, rendements,
  • Agronomiques : développement et qualité des couverts, évaluation de l’état hydrique de la plante et du sol par l’installation de capteurs de flux de sève.

 

Le recours aux capteurs de flux de sève est une technique innovante dans la région, qui permet, au-delà de la connaissance de l’état de stress hydrique de la plante, de pouvoir piloter l’irrigation. Cela donne également accès aux enseignants/formateurs à une plateforme regroupant l’ensemble des données (suivis agronomiques, météorologiques, état hydrique de la plante…), comme le montre la photo ci-dessous. Ils peuvent ainsi suivre et montrer l’évolution de l’état hydrique de la plante au fil de la saison, mais également mener une réflexion sur le déclenchement d’irrigations.

Un projet pluridisciplinaire :

La mise en place de ce projet a permis d’impliquer l’ensemble des filières professionnelles et technologiques de l’établissement, sur différents volets selon le niveau et les objectifs des référentiels.

Ainsi, les travaux pratiques (taille, travaux en vert, semis des engrais verts) sur la parcelle ont été réalisés par les apprenants de baccalauréat professionnel CGEVV (2nd et 1ère) et de BTS Viticulture-œnologie. Cela leur a ainsi permis de pouvoir observer l’impact de cette pratique, mais aussi de leurs gestes techniques.

 

En outre, la mise en place des différents suivis a mobilisé les apprenants de baccalauréat STAV pour les évaluations agronomiques et ceux de BTS Viticulture-œnologie pour les évaluations pédologiques (analyse des fosses pédologiques) et certains suivis de vigueur.

 

Une analyse de l’impact économique de la pratique sera réalisée après plusieurs années de recul.

Ainsi, pour piloter ce projet, cela a nécessité de réunir les enseignants et formateurs des différentes disciplines impliquées (agronomie, viticulture, agroéquipement), la chargée de communication, la référente EPA 2 et la directrice d’exploitation, afin de décider des objectifs et des suivis à mettre en place. En outre, la mise en œuvre technique, notamment des semis, a nécessité de mobiliser les salariés de l’exploitation.

Plusieurs partenaires ont également été associés au projet afin d’accéder aux engrais verts et au semoir (Coopérative Agricole Provence Languedoc - CAPL), pour la réalisation du roulage, pour les suivis pédologiques (Laboratoires Dubernet) et enfin pour la mise en place des capteurs de flux de sève (Société du Canal de Provence - SCP).

 

Modalités pédagogiques :

Sur l’EPLEFPA d'Orange, ce projet d’une durée de 3 ans n'a pas été mené pour une seule classe, ni par un seul enseignant. Nous avons souhaité faire un projet transversal, avec plusieurs classes pendant la durée totale du projet. D'ailleurs, aucune formation ne s'étalant sur 3 ans, il aurait été difficile de suivre le projet avec une seule classe pendant toute la période.

 

Nous avons impliqué principalement les disciplines suivantes : la viticulture, l'agroéquipement et l'agronomie, ainsi que la DEA (qui s'est occupé de l'organisation, les orientations du projet et les différents aspects à développer) ainsi que le personnel de l'exploitation, dont la tâche principale a été l'accompagnement sur le terrain.

 

Les enseignants de ces disciplines ont eu des taches différentes. Voici quelques exemples :

 

  • Enseignant d'agroéquipement : préparation des semis, préparation du sol, présentation des différentes modalités établies dans le protocole de la parcelle. Il s'est donc occupé de la préparation et mise en place de l'expérimentation sur le terrain ; du matériel et de la réalisation du semis et cela avec différentes classes, selon l'année. Cela a permis à plusieurs promotions de connaître la mise en place d'une expérimentation et des contraintes des semis- des semoirs, du travail du sol...
  • Enseignant de viticulture :  Avec les BTS VO d'une promo (première année du projet), nous avons vu en cours certaines thématiques : préparer le protocole expérimental ; lister les principaux indicateurs à suivre pendant les 3 ans (d'autres ont été ajoutés et mis en place par notre partenaire professionnel) et fixer les périodes et protocoles de suivi. Les apprenants de BTS VO de cette promotion ont ainsi découvert tous ces aspects. 

 

Les promos suivantes ont fait ou aidé à ces suivis sur le terrain, après leur avoir expliqué l'ensemble du projet.

La dernière promotion de BTS VO1 (2022-23) a récupéré l'ensemble des résultats des trois années ; nous les avons mis en forme et interprétés. Le poster a été réalisé avec eux. Ils ont dû également s'approprier l'ensemble du projet pour le présenter en Alsace (à l’occasion de la rencontre inter-EPL du collectif viticulture à l’EPL de Rouffach en mars 2023) , même s'ils n'avaient « mis les mains à la pâte » que sur une année.

  • Enseignants d'agronomie : avec une classe de STAV, l'enseignant a mis en place le protocole MERCI : explication du protocole, mesures réalisées.

Avec une promo de BTS VO2, nous avons ouvert des fosses pédologiques pour observation et interprétation du sol de la parcelle par les étudiants : ils ont dû présenter un rapport par groupe.

Résultats :

Les effets d’une telle pratique sur l’amélioration de la fertilité du sol et sur l’état physiologique de la plante ne peuvent être mesurés en si peu de temps. Cependant, nous avons déjà pu acquérir collectivement une expérience pratique sur des points techniques concrets (date et conditions de semis en situation méditerranéennes, fertilisation pour la croissance du couvert, date de destruction…) que nous pouvons transmettre aux professionnels et aux apprenants.

D’un point de vue pédagogique, ce projet a permis de mobiliser plusieurs classes sur différents aspects (techniques, pratiques et théoriques), mais également des enseignants de matières variées afin d’avoir une approche pluridisciplinaire et de pouvoir évaluer la mise en place de la pratique sous différents angles. Cela a donc été un projet fédérateur, permettant aux apprenants de questionner et d’évaluer la mise en œuvre d’une pratique culturale innovante dans la région. Ainsi, les classes concernées ont pu approcher la mise en œuvre d’une expérimentation dans toutes ses dimensions, expérience qu’ils ont pu par la suite valoriser lors de leur période de stage technique, durant laquelle ils devaient mettre en place un protocole expérimental.

Appropriation :

Il est évident que la mise en œuvre d’un tel projet nécessite du temps et de l’investissement de la part des apprenants, des enseignants/formateurs et de l’exploitation et il n’a pas toujours été aisé de mobiliser l’ensemble de ces personnes. En outre, il nous faut à l’avenir pouvoir inclure d’autres enseignants de matière générale afin de s’approprier le projet et ses résultats. Malheureusement, le projet a été construit rapidement, en pleine pandémie. Le corps enseignant n’a ainsi été que peu mobilisé lors de la construction initiale du projet. Afin de motiver davantage les équipes, il conviendrait d’avoir une approche pluridisciplinaire dès la phase de réflexion du projet. En outre, il serait judicieux de pouvoir libérer davantage de temps aux enseignants/formateurs qui s’engagent dans une telle démarche.

 

Les jeunes ont été engagés dans l'action : chaque classe a participé, à son niveau, d’une manière active dans le projet : réalisation des semis, comptages, pesées, élaboration du poster, présentation du poster…

Les enseignants ont également trouvé leur intérêt. En ce qui me concerne (enseignante de viticulture et d'agronomie), cette expérience sera de nouveau remobilisée l'an prochain en classe, pour en tirer encore les enseignements. Parce que les objectifs initiaux ne sont pas encore atteints. En effet : trois ans pour une expérimentation de ce calibre sont insuffisants pour pouvoir observer des effets concluants (cf supra).  Nos résultats ne sont, pour l'instant, que des « tendances » : pour l'instant on ne peut pas affirmer nettement d'un effet précis. Cela aussi est un enseignement pour les apprenants : une expérimentation ne donne pas des résultats immédiatement.

En plus de cela, les apprenants impliqués ont retenu plusieurs choses : comment on met en place une expérimentation, les limites / les contraintes de cela, la rigueur qu'il faut y avoir (protocole strict, modalités suivies avec répétitions...), comment interpréter une masse importante de données, comment en tirer des conclusions, comment synthétiser les informations et comment présenter l'ensemble (poster).

Nos résultats à ce jour n'étant pas concluants, on ne peut pas juger d'une réticence (ou non) de la part des apprenants par rapport à la pratique des engrais verts. Au moins avec la classe des BTS VO1 nous continuerons à suivre le projet l'an prochain. Et l'expérience acquise cette année nous permettra d'en discuter/faire des débats plus approfondis en deuxième année.

Analyse critique : ce qui a marché, des difficultés rencontrées :

Parmi les difficultés rencontrées lors de cette expérience, on peut dire que la mise en place et le suivi d'une expérimentation de ce calibre et sur plusieurs années implique une disponibilité très importante et rapprochée des personnes impliquées et cela pendant toute la période du projet. Or, dans le cadre d'un projet pédagogique dans un lycée, il a été assez difficile de donner à ce projet la place nécessaire. D'une part, chaque enseignant a son quota d'heures/classe/année et un programme complet à mener à bien pendant l'année. Tout cela s'inscrit dans un emploi du temps réglé (nous « marchons au pas des sonneries »). Les séances de 2/3 heures hebdomadaires de TP ne sont pas suffisantes pour un suivi rapproché d'une expérimentation. Si nous devions faire des contrôles/mesures pendant ce temps, il fallait être d'une efficacité exemplaire et sans aucun imprévu... au bout du temps fixé, notre classe passe à une autre matière, à une autre activité. D'autre part, dans notre cas, plusieurs suivis sont à faire pendant des périodes où les apprenants sont absents (notamment juin-juillet), ce qui demande la disponibilité du DEA ou/et des enseignants.

Enfin, si l'on se base sur les programmes de chaque discipline prévue dans nos référentiels de formation, la thématique de notre projet Ecophyto'TER ne représente qu'une toute petite partie du large programme à aborder. Malgré cela, nous avons consacré pas mal de temps dans l’année à ce projet, ce qui a « retardé » l'avancement du programme sur d'autres thématiques. C'est une des raisons qui nous a mené à se « repartir le travail » entre disciplines et entre classes. Le côté positif a été que plusieurs classes en ont profité ; le côté négatif, les difficultés pour une seule classe d'avoir une vue d'ensemble.

Une autre limite de ce fonctionnement est qu'une expérimentation de ce type ne donne généralement pas des résultats concluants sur seulement 3 ans. Ainsi, même si le projet Ecophyto'TER s’arrête officiellement, au sein de notre établissement nous avons décidé de prolonger l'expérimentation afin d'avoir des réponses plus solides. Ce projet Ecophyto'TER nous a donc servi à entamer une ligne d'expérimentation qui sera suivi à plus long terme chez nous.

Concernant le réinvestissement des savoirs acquis, nous mettrons sur la plate-forme du lycée les premiers résultats qui seront accessibles aux enseignants pour travailler/retravailler les résultats avec d'autres classes.

Pour ce qui a trait aux acquis des jeunes, ils ont assuré en bonne partie le suivi d'une expérimentation et nous espérons qu'ils sont maintenant en mesure de concevoir et suivre une nouvelle avec autonomie : cela est un des objectifs du référentiel du BTSVO. Cela reste moins évident pour les classes en Baccalauréat, aussi bien technologique que professionnel.

Ecophyto’TER – retours d’expérience

L’article, ci-dessus,  témoigne de l’expérience d’enseignants / formateurs et de directeurs d’exploitation agricole engagés dans le dispositif Ecophyto’TER.

De 2019 à 2023, ce projet financé par l’OFB, commandité par la DGER et animé par le CEZ-Bergerie nationale a permis, dans 31 établissements d’enseignement agricole, de trouver des solutions techniques à des problématiques de réduction des produits pharmaceutiques, d’engager des dynamiques pédagogiques innovantes, et d’ancrer les transitions dans les territoires.

Retrouvez aussi des séquences pédagogiques conçues dans le cadre d’Ecophyto’TER sur Pollen.

 

© Photos NIBAUDEAU Roxane et RODRIGUEZ-LOVELLE Bégoña

Décembre 2023 - NIBAUDEAU Roxane, DEA du Château Mongin, et RODRIGUEZ-LOVELLE Bégoña, Enseignante en viticulture et agronomie, EPLEFPA d’Orange