Au niveau lorrain, comme au niveau national, la qualité des eaux de surface et souterraines est dégradée par la présence de nitrates et de produits phytosanitaires. Par exemple en 2009, près de la moitié des nappes souterraines de Lorraine étaient contaminées par l’AMPA, un métabolite du glyphosate ; et entre 2011 et 2014, des teneurs d’isoproturon supérieures à 0,1 μg/L ont à plusieurs reprises été relevées dans le Rhin.
Face à cette dégradation de la qualité des eaux, le besoin d’en savoir plus sur les dynamiques de transfert des produits phytosanitaires dans les eaux est devenu urgent pour les acteurs de l’agriculture et leurs partenaires. Ils souhaitent mieux connaître l’impact du raisonnement de leurs pratiques culturales. C’est dans cette optique, que l’EPL de Metz Courcelles-Chaussy a mis en place avec l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et la Chambre d’agriculture de Lorraine, l’expérimentation « Cabane des eaux » sur la campagne 2011-2012.
Située à l’aval du petit bassin versant formé par les quatre parcelles test, la cabane des eaux reçoit les eaux de drainage de chacune d’elles. Deux systèmes sont comparés sur blé tendre : un conventionnel (deux parcelles implantées le 29 septembre 2011, 3 traitements à au moins 60% de la dose homologuée – Fosburi, Atlantis WG et Axial one) et un intégré (deux parcelles implantées un mois plus tard, 1 traitement Atlantis WG à 39% de la dose homologuée). Un prélèvement par parcelle tous les 5 m3 d’eau permet de mesurer sa teneur en différents produits phytosanitaires.
En termes de résultat, malgré l’importante diminution de l’indice de fréquence de traitement entre les deux systèmes (-40%), le mésosulfuron methyl, un dérivé de l’Atlantis WG appliqué début avril 2012, est retrouvé dans les eaux des quatre parcelles. Ceci s’explique notamment par son importante solubilité et sa faible capacité à être retenu dans les sols quelque soit leur teneur en matière organique. L’utilisation d’Atlantis WG est d’ailleurs soumise à de plus en plus de restrictions réglementaires. De plus, on retrouve de l’AMPA dans les eaux de drainage des parcelles intégrées (0,11 à 0,13 μg/L) bien que le dernier traitement Glyphosate ait été effectué cinq ans auparavant. Ceci témoigne de l’importante durée de vie de l’AMPA dans le sol. L’étude n’a donc pas permis de montrer de différences significatives entre les deux systèmes qui reposent sur le même traitement de printemps, Atlantis WG, par ailleurs devenu peu efficace. En effet un important développement d’adventices a été constaté sur les parcelles intégrées ainsi que sur les parcelles conventionnelles.
A l’issue de cette première expérimentation, l’EPL a alors décidé de mettre en place en 2014 un système en agriculture de conservation, fondé sur la perturbation minimale et la couverture maximale du sol ainsi que sur l’utilisation de cultures et couverts adaptés aux conditions pédoclimatiques des parcelles. Ce système est élargi aux quatres parcelles expérimentales en 2016 : l’objectif est désormais d’évaluer l’impact de ces systèmes sur la qualité des eaux et leur capacité à retenir ou dégrader nitrates et produits phytosanitaires.
En attendant les résultats, les expérimentations se poursuivent à l’échelle régionale, particulièrement avec le test de dispositifs de dépollution des eaux tels que les zones humides tampons artificielles (ZTHA) de la Chambre Régionale d’Agriculture. Ces bassins de rétention visent à collecter les eaux de drainage d’une parcelle puis à les renvoyer dans le cours d’eau au bout d’un certain temps. Les concentrations en produits phytosanitaires sont comparées à l’entrée et à la sortie du bassin.
Les premières mesures sont intéressantes, néanmoins, cette solution est curative face aux problèmes engendrés par l’utilisation des produits phytosanitaires et questionne réellement la notion de droit à polluer.
Pour en savoir plus : http://cra-lorraine.fr/
En conclusion…
Ainsi, au cours de ces journées, le groupe a été interpellé sur les résultats des transferts des produits phytosanitaires dans les eaux – une vraie prise de conscience a été vécue – et s’est questionné sur la conciliation des enjeux de conservation des sols et de réduction des produits phytosanitaires. Malgré la rudesse du climat lorrain, les échanges bienveillants et les réflexions avisées ont motivé l’ensemble des participants à poursuivre leurs efforts dans l’amélioration de leurs pratiques et leur transmission pédagogique.