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Avril 2016 - Regroupement Ecophyto à l’EPL de Metz Courcelles-Chaussy

Des Directeurs d’Exploitation Agricole (DEA) et enseignants de l’Action 16 du plan Ecophyto I (soit une quinzaine de personnes) se sont regroupés à l’EPLEFPA de Metz Courcelles-Chaussy les 26 et 27 avril 2016 autour de la thématique de la production intégrée en cultures annuelles avec un objectif de réduction de produits phytosanitaires.

Des échanges riches et constructifs au rendez-vous !

Au cours de ces journées, les interventions de Laurent ROMMERT (DEA), Marc LIOTARD (directeur adjoint de l'EPL de Metz), Gilles BERGHMANS (salarié de l’exploitation) et Vincent CORFDIR (enseignant et tiers-temps) ont permis de présenter l’exploitation et les pratiques agronomiques. Puis, une présentation de l’étude des transferts des produits phytosanitaires à l’échelle de la région a été réalisée par Nathael LECLECH (Chambre Régionale Agriculture de Lorraine). Le deuxième jour, un tour de plaine a permis d’appréhender différentes thématiques à la lumière des particularités du terroir, notamment la structure des sols présentée par Flora LORIDAT (formatrice CFA), et du point de vue des agriculteurs du réseau DEPHY avec Pierre DOLLE et Arnaud VAGNER (Chambre Départementale d’Agriculture de Moselle). Enfin, le programme d’expérimentation du suivi du transfert des produits phytosanitaires dans les eaux de drainage a été présenté par Yohan GERARD (formateur CFPPA).

Retour sur le contenu de ces journées

En Moselle, le système dominant de polyculture-élevage disparait peu à peu au profit de système de grandes cultures. La ferme des Mesnils de l’EPL de Metz Courcelles-Chaussy, exploitation de type polyculture-élevage, a quant à elle pris le contre-pied de cette évolution avec en outre, un atelier maraichage AB et un verger de mirabelliers. 

Durant de nombreuses années la rotation colza/blé/orge, classique pour la région, a été menée et accompagnée d’une monoculture de maïs ensilage et d’un usage systématique du labour. Face à d’importants enjeux de qualité de l’eau, l’exploitation a engagé, en 2010, une démarche de réduction des produits phytosanitaires dans le cadre du plan Ecophyto. Cette démarche passe par l’évaluation des transferts de produits phytosanitaires dans les eaux (cf. zoom de l’article) et par la mobilisation de divers leviers: désherbage mécanique, travail du sol, micro-dose sur pois, tournesol et colza, etc. 

Après six années d’efforts et de prise de risque, le bilan fait état d’une baisse des Indices de Fréquence de Traitement, IFT, (plus marquée pour les IFT Hors Herbicide), témoignant d’une diminution des recours aux produits phytosanitaires. 

Aujourd’hui, des préoccupations de préservation des sols se font de plus en plus pressantes, avec la volonté de se tourner vers l’agriculture de conservation. Des itinéraires techniques allant du pseudo labour au semi direct « d’opportunité » sont testés sur l’exploitation. Concilier les enjeux de conservation des sols et de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires n’est pas simple à arbitrer au quotidien. 

Le Bulletin de Santé du Végétal, BSV, est un outil majeur d’aide à la décision pour la gestion des ravageurs et raisonner le recours aux insecticides. Cela n’empêche pas Laurent Rommert, le DEA, et son équipe d’observer les insectes présents dans les parcelles de l’exploitation. Que faire s’ils n’observent rien mais que le BSV indique un repérage de vols : traiter ou prendre un risque ? Forts de la devise « plus tu traites, plus tu en as », souvent vérifiée pour les altises sur colza, l’EPL a choisi de privilégier des stratégies d’esquive pour sécuriser le système (décalage des dates de semis par exemple). Sur l’exploitation de Metz, l’association de plantes pièges est également testée : les altises se concentrent sur la culture de moutarde plutôt que sur le colza. 

Pour que les apprenants se saisissent de ces questions, l’enjeu est d’être d’abord capable de distinguer les insectes ravageurs de ceux qui sont auxiliaires des cultures. Pour cela, Vincent Corfdir, enseignant et tiers-temps à l’EPL de Metz, a créé un jeu intitulé « La vie des champs », dont l’objectif est d’apprendre à reconnaître la biodiversité fonctionnelle des champs. Il propose des photographies de ravageurs à identifier de façon ludique. 

Zoom sur l’évaluation du transfert des produits phytosanitaires dans les eaux de drainage

Au niveau lorrain, comme au niveau national, la qualité des eaux de surface et souterraines est dégradée par la présence de nitrates et de produits phytosanitaires. Par exemple en 2009, près de la moitié des nappes souterraines de Lorraine étaient contaminées par l’AMPA, un métabolite du glyphosate ; et entre 2011 et 2014, des teneurs d’isoproturon supérieures à 0,1 μg/L ont à plusieurs reprises été relevées dans le Rhin. 

Face à cette dégradation de la qualité des eaux, le besoin d’en savoir plus sur les dynamiques de transfert des produits phytosanitaires dans les eaux est devenu urgent pour les acteurs de l’agriculture et leurs partenaires. Ils souhaitent mieux connaître l’impact du raisonnement de leurs pratiques culturales. C’est dans cette optique, que l’EPL de Metz Courcelles-Chaussy a mis en place avec l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et la Chambre d’agriculture de Lorraine, l’expérimentation « Cabane des eaux » sur la campagne 2011-2012. 

Située à l’aval du petit bassin versant formé par les quatre parcelles test, la cabane des eaux reçoit les eaux de drainage de chacune d’elles. Deux systèmes sont comparés sur blé tendre : un conventionnel (deux parcelles implantées le 29 septembre 2011, 3 traitements à au moins 60% de la dose homologuée – Fosburi, Atlantis WG et Axial one) et un intégré (deux parcelles implantées un mois plus tard, 1 traitement Atlantis WG à 39% de la dose homologuée). Un prélèvement par parcelle tous les 5 m3 d’eau permet de mesurer sa teneur en différents produits phytosanitaires. 

En termes de résultat, malgré l’importante diminution de l’indice de fréquence de traitement entre les deux systèmes (-40%), le mésosulfuron methyl, un dérivé de l’Atlantis WG appliqué début avril 2012, est retrouvé dans les eaux des quatre parcelles. Ceci s’explique notamment par son importante solubilité et sa faible capacité à être retenu dans les sols quelque soit leur teneur en matière organique. L’utilisation d’Atlantis WG est d’ailleurs soumise à de plus en plus de restrictions réglementaires. De plus, on retrouve de l’AMPA dans les eaux de drainage des parcelles intégrées (0,11 à 0,13 μg/L) bien que le dernier traitement Glyphosate ait été effectué cinq ans auparavant. Ceci témoigne de l’importante durée de vie de l’AMPA dans le sol. L’étude n’a donc pas permis de montrer de différences significatives entre les deux systèmes qui reposent sur le même traitement de printemps, Atlantis WG, par ailleurs devenu peu efficace. En effet un important développement d’adventices a été constaté sur les parcelles intégrées ainsi que sur les parcelles conventionnelles. 

A l’issue de cette première expérimentation, l’EPL a alors décidé de mettre en place en 2014 un système en agriculture de conservation, fondé sur la perturbation minimale et la couverture maximale du sol ainsi que sur l’utilisation de cultures et couverts adaptés aux conditions pédoclimatiques des parcelles. Ce système est élargi aux quatres parcelles expérimentales en 2016 : l’objectif est désormais d’évaluer l’impact de ces systèmes sur la qualité des eaux et leur capacité à retenir ou dégrader nitrates et produits phytosanitaires. 

En attendant les résultats, les expérimentations se poursuivent à l’échelle régionale, particulièrement avec le test de dispositifs de dépollution des eaux tels que les zones humides tampons artificielles (ZTHA) de la Chambre Régionale d’Agriculture. Ces bassins de rétention visent à collecter les eaux de drainage d’une parcelle puis à les renvoyer dans le cours d’eau au bout d’un certain temps. Les concentrations en produits phytosanitaires sont comparées à l’entrée et à la sortie du bassin. 

Les premières mesures sont intéressantes, néanmoins, cette solution est curative face aux problèmes engendrés par l’utilisation des produits phytosanitaires et questionne réellement la notion de droit à polluer. 

Pour en savoir plus : http://cra-lorraine.fr/

En conclusion… 

Ainsi, au cours de ces journées, le groupe a été interpellé sur les résultats des transferts des produits phytosanitaires dans les eaux – une vraie prise de conscience a été vécue – et s’est questionné sur la conciliation des enjeux de conservation des sols et de réduction des produits phytosanitaires. Malgré la rudesse du climat lorrain, les échanges bienveillants et les réflexions avisées ont motivé l’ensemble des participants à poursuivre leurs efforts dans l’amélioration de leurs pratiques et leur transmission pédagogique.

Avril 2016 - Julie Bluhm et Amélie Bresson (CEZ Rambouillet)