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Animation et développement
des territoires
de l'enseignement agricole

Au Robillard : une vision du métier d’éleveur à travers le bien-être animal et par le numérique.

Le numérique a aujourd’hui intégré l’exploitation du lycée agricole du Robillard et ses formations. Il vient enrichir les réflexions de l’établissement déjà existantes sur les enjeux liés à l’évolution de l’élevage.

Située en Normandie, dans le pays d’Auge (département du Calvados), l’exploitation du lycée agricole du Robillard, est aujourd’hui composée d’un troupeau de 70 vaches normandes produisant 400 000 litres de lait par an en Appellation d'Origine Protégée Livarot et Pont l’Evêque. 90 ha de prairies, 3 ha de betteraves et 8 ha de luzerne assurent l’approvisionnement en fourrages de ce troupeau. La stratégie est d’assurer l’autonomie alimentaire par des fourrages sans fermentation (exigence du cahier des charges AOP). Cet objectif est possible avec une période longue de pâturage (10 mois de l’année), et une optimisation de la gestion de celui-ci et des chantiers de récolte de foin. L’équation n’est pas simple suivant les conditions météos de l’année, même si les arrière-saisons sont plutôt bénéfiques dans la région.  40 ha de cultures (blé, orge, maïs grain et colza) complètent cet assolement et permettent un approvisionnement à plus de 95% en concentrés pour le troupeau. L’exploitation dispose également d’un atelier cidricole en bio et AOP, avec 8 ha de vergers. Il produit 3 000 litres de cidre par an, des jus,  du calvados et du pommeau. Un centre équestre accueillant 20 chevaux et poneys complète les activités de la structure.

Cette exploitation est un support de formation important. Chaque année en effet, de nombreux projets à portée pédagogique sont menés par l’équipe des enseignants et formateurs de l’établissement. Dans un contexte de questionnement sur le renouvellement des générations sur les exploitations et d’attractivité du métier, un thème ressort de ces projets : l’approche du métier de l’éleveur concernant la gestion de son troupeau, notamment sur les aspects concernant le bien-être animal et les conditions de travail. De plus, depuis 2020, une nouvelle trajectoire est venue enrichir les projets sur le sujet : questionner l’utilisation des nouvelles solutions numériques pour accompagner l’éleveur dans la gestion de son système d’élevage. Quelques projets remarquables illustrent cette dynamique…

Bien vivre avec mon troupeau

Cette devise est le nom du GIEE qui s’est constitué depuis début 2021. Particularité notable : c’est l’établissement du Robillard qui pilote et anime ce groupe de 10 éleveurs. L’idée est venue d’une réflexion de l’équipe de l’exploitation du lycée, et notamment des salariés, sur les méthodes alternatives à l’utilisation des antibiotiques dans la gestion sanitaire du troupeau. Le bouche à oreille a ensuite permis d’élargir la réflexion à un groupe de fermes du territoire partageant les mêmes objectifs : travailler sur le rôle de l’éleveur et la relation à l’animal dans le cadre de la gestion sanitaire du troupeau et du bien-être animal. Deux principaux axes de travail structurent aujourd’hui les échanges : la lutte contre les antibiorésistances et l’adaptation au changement climatique. De nombreuses visites et formations ont permis au groupe de s’acculturer et d’explorer les possibles. Maintenant, les premières actions et mises en applications démarrent : mise à disposition du troupeau de « bars à minéraux » pour que les animaux puissent autoréguler leur alimentation minérale ; actions autour de l’arbre fourrager, toujours avec l’approche de diversification et d’autorégulation de l’animal pour son alimentation ; divers tests et essais d’aromathérapie. Dans le cadre du plan d’action du GIEE, chaque exploitation doit ainsi définir ses propres pistes d’actions et ses propres objectifs pour alimenter la réflexion commune sur la stratégie d’évolution des systèmes d’élevage de ces fermes. Céline Lemignier, formatrice en zootechnie et économie, assure l’animation de ce groupe GIEE. Le cadre d’échange et de réflexion de ce projet est également un excellent support pour les formations de l’établissement, notamment pour la Licence Professionnelle « conseiller en élevage, spécialité bien-être animal ».

Des colliers de monitoring pour appréhender plus finement le troupeau

Grâce à un financement du Conseil Régional de Normandie, dans le cadre des investissements pédagogiques, le lycée agricole du Robillard dispose aujourd’hui de 90 colliers connectés Medria qui permettent un suivi automatique des animaux du troupeau. Ces colliers sont équipés de capteurs, dont principalement un accéléromètre, qui permet de collecter des données sur le comportement de l’animal au fil du temps. En effet, l'animal a une activité physique différente en fonction de son état physiologique, de santé… L'accéléromètre permet de mesurer ces variations. Les données acquises sont ensuite stockées dans le collier et envoyées régulièrement via un réseau LoRA (réseau de transmission sans fil permettant le transfert de petites quantité de données à distance à bas coût énergétique) pour être ensuite traitées par des algorithmes permettant de suivre individuellement chaque animal sur plusieurs entrées : détection des chaleurs, des vêlages (notamment les vêlages difficiles), suivi de la nutrition (période d’ingestion et de rumination), mise en évidence de stress thermique éventuel et autre problème de confort. Les vaches sont donc toutes équipées de ces colliers de monitoring, l’exploitation a accès à l’outil de suivi du troupeau et l’équipe pédagogique a également accès aux données brutes issues des capteurs. Cet outil est aujourd’hui installé. L’équipe de l’exploitation et les enseignants intéressés ont été formés à son utilisation.

Pour l’équipe pédagogique, les intérêts sont multiples. Les données issues des capteurs permettent d’appréhender la question de la chaine d’acquisition et de traitement des données jusqu’au conseil zootechnique.  Mais c’est aussi l’occasion d’aborder le positionnement de l’éleveur par rapport à ces nouveaux outils. Christelle Grenot, enseignante en zootechnie évoque ainsi la question : « C’est quoi un outil connecté et c’est quoi le sens de l’éleveur ? ». Pour elle, « le collier connecté fait observer les animaux » et « c’est un moyen de rendre moderne l’approche de nos cours » pour les élèves et stagiaires des formations de Bac Pro CGEA (Conduite et Gestion de l’Entreprise Agricole) et agroéquipement, BTSA PA(Production animale) et ACD(Agriculture et Culture Durable) de l’établissement.  Le capteur est ainsi abordé non comme un outil qui remplace les sens de l’éleveur, mais qui vient affiner ses capacités en permettant de détecter précocement des indications qui seront ensuite vérifiées et couplées aux observations classiques pour agir plus rapidement et efficacement auprès des animaux.

Ce nouveau support pédagogique est le résultat d’un travail réalisé dans le cadre d’un projet tiers-temps qui s’est terminé en juin 2022 (projet STABULAB). Cette décharge horaire était alors partagée par Christelle Grenot et Pierre Champeyrol, enseignant en TIM (Technique Informatique et Multimédia) qui a développé également un outil numérique de suivi de la pousse de l’herbe.

Un herbomètre connecté open-source « made in Normandie »

Dans le cadre de ce tiers-temps, en 2020, un inventaire des besoins de l’exploitation du Robillard avait été réalisé pour réfléchir aux contributions possiblement pertinentes du numérique par rapports à ces besoins. La question du suivi de la pousse de l’herbe a été rapidement identifiée car c’est un besoin important dans le cadre de l’optimisation de la gestion du pâturage. Mais la méthodologie du suivi via les herbomètres « traditionnels » est fastidieuse. Dans un premier temps l’acquisition d’un appareil connecté du commerce a été envisagée. Faute de financement accepté en juin 2020, la décision a été prise de construire un herbomètre connecté « maison ». Pierre Champeyrol se lance alors dans la démarche. Cela a été possible grâce à un partenaire local : le Dome. Cette structure associative correspondant à un espace collaboratif d’innovation, a permis la mise en relation avec les personnes ressources pouvant apporter les compétences à la réalisation du projet d’auto-construction de l’outil.  Au bout d’un an, et notamment dans le cadre des EIE (Enseignement à l’Initiative de l’Etablissement) de 2nde Pro Agroéquipement, un premier prototype a été fabriqué et une application sur smartphone a été créée pour traiter les données. Chaque année, la classe de 2nde suivante propose des améliorations (poignées plus ergonomique, plateau qui coulisse mieux…) et réalise des mesures pour mesurer la fiabilité de l’outil. En cette 3eme année de travail, le projet se diffuse. En effet, d’autres lycées de la région s’y intéressent et commencent à tester l’outil sur leur exploitation (cela permet d’avoir plus de données pour valider l’outil et la méthode) et proposent d’autres approches et d’autres améliorations. Saint Hilaire du Harcouët et Yvetot réfléchissent à la question de l’interopérabilité des données avec les autres logiciels de suivi de leur exploitation. Le lycée Edouard de Chambray tente de corréler les mesures de l’herbomètre avec les imageries obtenues avec leur drone… Un travail en réseau à l’échelle régionale animé également par Philippe Petitqueux, DRTIC(Délégué Régional aux Technologies de l'Information et de la Communication) de la région Normandie. L’herbomètre connecté continuera ainsi à s’améliorer au fil des prochaines années, tout en servant de support pédagogique pour aborder « de l’intérieur » le fonctionnement du numérique et répondre aux nouvelles capacités des référentiels. Ce projet est « open-source ». Toute la documentation est disponible pour se lancer dans la construction de son propre prototype d’herbomètre. A noter également qu’au niveau régional un premier projet avait permis l’arrivée de plusieurs FarmBot (robot potager open-source) sur les établissements Normands pour servir de support pédagogique. Le lycée du Robillard en a ainsi acquis un exemplaire en 2020.

Par ces différents projets, l’équipe du Robillard propose ainsi une approche permettant aux élèves et stagiaires de l’établissement de s’acculturer, de se questionner et d’acquérir des compétences au sujet des solutions numériques en lien avec l’élevage. L’objectif est bien de permettre à l’éleveur d’améliorer ses capacités d’appréhension de l’animal et du système d’élevage, pour lui permettre de mieux gérer les enjeux importants de son métier, comme le bien-être animal et la gestion de son pâturage dans un contexte de changement climatique. Sur l’exploitation, les projets se poursuivent. Une nouvelle salle de traite devrait voir le jour d’ici quelques mois, pour améliorer l’efficacité et les conditions de travail de l’équipe de la ferme.

 


Contacts utiles :

Saïdi Lawal, directeur de l’EPLEFPA du Robillard : saidi.lawal@educagri.fr

Christelle Grenot, enseignante en zootechnie : christelle.grenot(at)educagri.fr

Pierre Champeyrol, enseignant TIM : pierre.champeyrol(at)educagri.fr

Céline Lemignier, formatrice en zootechnie et économie : celine.lemignier(at)educagri.fr


 

Juin 2023 –Vincent Jéhanno, animateur Réso’them de l’enseignement agricole