La belle haie : Quand le bocage du Bourbonnais devient un label

À l’exploitation du lycée agricole du Bourbonnais à Moulins, les labels ne se limitent pas aux productions animales : les haies aussi ont leur reconnaissance officielle. Tour d'horizon de projets innovants pour une agriculture d'avenir...
Un bocage exemplaire : des haies utiles et durables
Un paysage qui raconte une histoire
Le Bourbonnais, région bocagère par excellence, se distingue par ses prairies bordées de haies basses et d’arbres majestueux, dont certains chênes centenaires. À Neuvy, près de Moulins, le lycée agricole du Bourbonnais incarne ce patrimoine vivant. Ses 254 hectares de SAU assurent un équilibre entre 200 hectares de prairies et des cultures céréalières destinées à l’autonomie alimentaire du troupeau bovin.
« Nous avons 28 km de linéaires de haies, soit 17 % de notre surface agricole utile (SAU)», souligne Fabrice Ranoux, directeur de l’exploitation. Un chiffre impressionnant quand on sait que le seuil minimal pour obtenir le Label Haie est fixé à 6 %. « Nous respectons les critères de la PAC, du BCAE 8 grâce à un plan de gestion appuyé par la Mission Haie Auvergne », ajoute-t-il.
Des haies qui chauffent et paillent
Ces haies ne sont pas qu’un décor ou un réservoir de biodiversité : elles sont une ressource. Chaque année, un linéaire est entretenu, produisant du bois bûche pour le chauffage des logements des salariés et du MAP (Mètre cube apparent de plaquettes) utilisé en paillage dans les stabulations. « 4 m³ de MAP remplacent une tonne de paille », précise Fabrice Ranoux, illustrant l’intérêt économique et écologique de cette pratique
Planter pour demain
Avec les élèves, l’exploitation plante 400 mètres de haies par an, en veillant à remplacer chaque arbre coupé. Un projet innovant est en gestation : une pépinière de végétaux locaux en partenariat avec le CFA. Objectif : récolter des graines, les semer et renforcer la biodiversité. « Nous voulons aussi ouvrir l’exploitation à des classes hors filières agricoles pour sensibiliser plus largement », confie Fabrice.
Des productions sous signes de qualité
Charolais, l’emblème du terroir
Symbole du terroir bourbonnais, l’exploitation du lycée agricole élève des bovins charolais pour produire une viande sous Label Rouge Bovin Charolais Terroir, valorisée par la coopérative FEDER. Le troupeau compte 100 vaches charolaises inscrites au Herd Book, évoluant dans un système herbager respectueux des traditions.
La sélection des animaux repose sur des critères précis : facilité de naissance, qualités maternelles et, depuis plus de dix ans, l’intégration du gène sans corne. Pour atteindre ses objectifs, l’exploitation mise sur l’insémination artificielle, garantissant une génétique performante.
Le résultat est à la hauteur : une centaine de veaux sevrés chaque année. Après le renouvellement du troupeau et la vente d’une dizaine de mâles reproducteurs, tous les animaux sont engraissés sur place. Les mâles sont abattus à 18 mois pour des carcasses de 400 kg, tandis que les génisses atteignent 30 mois pour 350 kg.
Autonomie et sobriété sont les maîtres mots : aucun aliment concentré acheté, l’engraissement repose exclusivement sur les fourrages produits sur la ferme.
« Notre objectif, c’est d’être autonome et économe dans notre conduite bovine », affirme Fabrice Ranoux.
L’agneau du Bourbonnais, une tradition revisitée
Impossible d’évoquer les viandes du Bourbonnais sans parler de l’agneau, véritable emblème régional. Historiquement, chaque ferme possédait une petite troupe d’une trentaine de brebis. Au lycée agricole, le choix a été tout autre : 300 brebis de race Île-de-France produisent aujourd’hui des agneaux de bergerie, illustrant une volonté de montrer un élevage conséquent et moderne.
Bien que pratiquant un seul agnelage par an, le troupeau est réparti en trois périodes de mise-bas. Objectif : lisser les pics de travail et optimiser l’utilisation de la bergerie. Ce système intensif s’accompagne d’un recours à l’aliment du commerce : plus de 80 kg de concentré par brebis. Un choix assumé, car le prix de vente supérieur à 200 € par agneau compense largement ce coût.
Les brebis pâturent sur leurs propres parcelles, mais l’avenir pourrait changer la donne :
« L’opportunité d’un agrandissement de 60 hectares offerte par un voisin permettrait de retravailler l’autonomie du troupeau », confie Fabrice Ranoux.
Les volailles fermières d’Auvergne
Qui ne connaît pas la célèbre publicité pour les volailles fermières d’Auvergne ? Le lycée agricole du Bourbonnais en est un acteur engagé. L’exploitation dispose d’un poulailler de 800 m² avec parcours extérieurs, dédié à la production de poulets de chair commercialisés par le groupe Tellus.
Mais ce n’est pas tout : une structure pédagogique complète le dispositif. Un petit poulailler est géré par des élèves de 4e et 3e, offrant une expérience concrète et responsabilisante.
« Ça permet de les impliquer et de développer un peu de vente directe avec différents types de volailles », explique Fabrice Ranoux, en nous présentant fièrement les chapons de Noël.
Des projets innovants pour une agriculture d’avenir
ACTIFE : la robotisation au service de l’élevage
Le projet ACTIFE repense le métier d’éleveur en intégrant la technologie. À Moulins, il s’agit d’automatiser la distribution des rations grâce à un robot bol distributeur capable de s’auto-alimenter dans un bâtiment type « cuisine ».
« Aujourd’hui, nous réalisons 300 bols par an, ce qui représente une heure de travail quotidien et 4 000 litres de gasoil non routier (GNR) consommés par an », explique Fabrice Ranoux.
Avec un investissement estimé à 260 000 €, financé à 75 %, ce projet promet un gain de temps considérable et une réduction de l’empreinte énergétique.
Agrivoltaïsme : conjuguer énergie et production
Autre initiative ambitieuse : un démonstrateur agrivoltaïque porté par une société privée. Objectif : évaluer l’intérêt agronomique sur quatre types de production : une parcelle de vigne, un parcours pour volailles, une parcelle en grande culture et une zone de pâturage pour ovins.
Ce projet, qui mobilisera 2 hectares, permettra de récolter des données techniques et d’embaucher au moins un apprenti BTS. Une convention garantira un revenu pour l’exploitation.
Technologie et biodiversité
Pour préserver la faune avant les fauches, l’exploitation utilisera un drone équipé d’une caméra thermique afin de localiser les animaux sauvages.
Enfin, un projet de contention connectée est en cours pour améliorer la sécurité et l’efficacité lors des manipulations, notamment des ovins.
Ces initiatives confortent le rôle du lycée agricole du Bourbonnais comme acteur majeur de la transition agroécologique et technologique. Entre préservation du bocage, qualité des productions et innovation, l’exploitation trace la voie d’une agriculture durable et pédagogique.
Novembre 2025 – Cédric Boussouf et Hervé Longy , animateurs Réso'them de l'enseignement agricole

