Mai 2019 – Claire Durox et Régis Triollet, animateurs Reso’them de l’enseignement agricole
L’établissement forme aux métiers du paysage, du commerce (produits de jardin, animaux d’élevage et de compagnie, agrofournitures) et de la fleuristerie. Bien situées dans Merdrignac pour la vente directe, à l’entrée de la ville, les serres du Mené conservent une vocation horticole ornementale forte ; c’est apprécié notamment par près de 45 mairies partenaires fidèles pour leurs commandes d’annuelles, de vivaces, d’arbustes, et la réalisation de jardinières et de plans de massifs. Depuis 2011, pour répondre à la demande initiale de deux maraîchers locaux, l’exploitation se diversifie avec des plants de légumes bio (20 % du chiffre d’affaire en 2018, environ un tiers de la production totale). Cette région au sud des Côtes d’Armor est peu engagée en production de plantes ornementales ; l’exploitation horticole du lycée, par ses démonstrations de pratiques et ses conseils, joue donc un rôle important auprès des collectivités, des commerçants et des particuliers, tout en offrant un support professionnel aux apprentissages des 520 apprenants
Manon Copin, directrice de l’exploitation, rappelle que cette unité est relativement jeune, puisqu’officiellement reconnue comme « exploitation agricole » centre constitutif de l’établissement en 2013. Avant, depuis 2000, c’était un atelier technologique à caractère surtout pédagogique, qui incluait les autres structures dont l’animalerie, l’atelier paysager et l’atelier d’art floral. Il a fallu simplifier tout en améliorant l’organisation, et augmenter le volume des ventes de végétaux pour pérenniser l’emploi salarié. L’appui de la DRAAF (par une chargée de mission d’Animation et développement du territoire), du Conseil Régional de Bretagne et de l’inspection des exploitations de l’enseignement agricole ont été déterminants pour accompagner ces évolutions. L’objectif de 100 000 € est bientôt atteint, avec un chiffre d’affaire passé de 55 000 € en 2010 à 83 000 € en 2018.
« J’ai eu la chance aussi à mon arrivée d’avoir une enseignante en techniques horticoles, Virginie Lenoir, qui menait un projet de valorisation pédagogique de l’exploitation dans le cadre d’un tiers temps de 2010 à 2013 » souligne Manon. Cela a permis de diversifier les situations d’enseignement, de mieux impliquer toutes les classes.
Concernant les pratiques agroécologiques, quatre axes ont été principalement travaillés : la réduction des produits phytosanitaires, les économies d’eau et de gaz et la diversité variétale. Ces progrès continus ont permis la certification environnementale des serres « Plante Bleue » niveau 2 en 2015, puis niveau 3 en 2018 (voir encart). La gestion du domaine de l’établissement n’est d’ailleurs pas en reste, avec le label Ecojardin obtenu fin 2018.
Dans les serres, pour limiter l’usage de produits phytosanitaires, la protection biologique intégrée est mise en place, également une production de plants de légumes en agriculture biologique dès 2009 dans une serre tunnel de 800 m2. Ces plants approvisionnent six maraîchers désormais, en appui au développement continu de l’agriculture biologique.
La facture d’eau a été divisée par deux entre 2010 et 2018 grâce au recyclage partiel de l’eau irriguée et à l’installation de 2 récupérateurs d’eau de pluie en 2016 (100 m3 dans le tunnel à toit ouvrant et 20 m3 dans le bi-tunnel).
Pour la diversité variétale, 130 espèces d’annuelles, 70 espèces de vivaces et 25 espèces de plants de légumes et aromatiques sont produites. Une collection de 820 variétés de tulipes que l’INRA de Ploudaniel ne pouvait plus conserver a été accueillie en 2012 sur le site et a fait l’objet de suivis jusqu’en 2015 ; aujourd’hui une partie des bulbes a pu s’adapter dans les espaces verts du lycée et dans le « jardin des saveurs et des senteurs » gérés avec les élèves. La préservation de la biodiversité est d’ailleurs aussi illustrée dans les pratiques au jardin, par l’entretien avec les élèves de points d’eau, de haies mellifères, de nichoirs et prairies fleuries…
Quant à la consommation d’énergie fossile, le gaz pour chauffer les serres, elle a baissé de 33 % environ entre 2013 et 2017. « Mon prédécesseur avait déjà commencé à reconcevoir les plannings de production et les choix de certaines variétés pour éviter de chauffer en décembre-janvier», explique Manon. « Puis, entre 2013 et 2017, on a mené un nouveau projet d’exploitation, accompagné par la Région Bretagne (avec un Contrat d’Autonomie et de Progrès - CAP). La serre verre et les équipements climatiques ont été rénovés : compartimentation en trois zones, changement des sondes et des écrans thermiques, installation de toiles isolantes verticales... » détaille-t-elle. Bien sûr, le tri des déchets est fait, ainsi que du compostage mais restant cependant à améliorer et valoriser.
« L’exploitation et les jardins, avec les labels AB, Plante Bleue et Ecojardin, sont ainsi de bons supports pour montrer des modes de production et d’aménagement plus agroécologiques aux élèves des filières paysage (du CAP au BTS), fleuristerie et commercialisation en produit de jardin ; eux aussi ont besoin de connaissances sur les plantes et de bien appréhender l’amont de la production » résume Fabrice Henry, directeur de l’établissement depuis trois ans. Et même si la filière de formation de production horticole a été fermée en 2016, ces actions permettent de travailler sur l’image et l’attractivité des métiers, tout en poursuivant la réflexion sur des formations à l’écojardinage, sur les loisirs verts en centre Bretagne…
Haute valeur environnementale avec « Plante Bleue » en 2018Créée en 2011, la certification Plante Bleue est le label national de référence des horticulteurs et pépiniéristes français engagés dans une démarche de production respectueuse de l’environnement. « Pour atteindre le niveau 3, l’exploitation est davantage prise dans son ensemble, cela nécessite plus d’analyse et de suivis par exemple avec des sous-compteurs… » indique la directrice de l’exploitation, Manon Copin. « Les auditeurs en 2018 ont bien vu notre logique de progrès continu depuis 2015, avec la gestion différentiée durable des espaces verts et le label Ecojardin, avec le système de chauffage innovant dans la serre bioclimatique installé en 2017… » |
Pour retrouver un côté démonstration / innovation qui existait fortement vers 2009-2012 sur l’horticulture bio en Bretagne (réseau Hortibio) et la réduction d’intrants, puis sur les tulipes jusqu’en 2015, l’exploitation s’est orientée en 2017 sur un projet de serre bioclimatique. Les objectifs étaient aussi d’améliorer l’autonomie énergétique de l’exploitation et son efficacité économique. Le proviseur, Fabrice Henry, connaissait les travaux sur l’énergie de la station expérimentale Ratho-Astredhor d’Auvergne-Rhône-Alpes avec son partenaire Agrithermic, un bureau d’étude. Il a fait venir le responsable Bernard Darfeuille pour voir comment baisser les dépenses énergétiques sans perdre en surface couverte (les serres de Merdrignac manquent déjà de place en avril). Le système Agri’chauff, simple et robuste, déjà testé au centre horticole de Paris a été retenu. Le principe est de créer un stockage thermique du surplus d’énergie solaire dans la journée via des bidons noirs de 10 L remplis d’eau (de pluie !) sous les tablettes ; l’air chaud capté en haut de la serre, circule dans des gaines grâce à un ventilateur performant énergétiquement (moins de 100 € en charge électrique annuelle) et est redistribué au niveau des bidons. La chaleur est restituée la nuit et lors des journées nuageuses. « On a dû décider vite fin 2017 car il restait un peu de budget sur l’enveloppe de rénovation du conseil régional, on a manqué de temps pour mieux associer l’équipe pédagogique » explique Manon. Aujourd’hui, les enseignants regrettent le bruit des ventilateurs dans les gaines qui les a surpris et gène un peu pour les TP et cours de vente. Une concession à la recherche de performance technique a dû être faite cet hiver par la directrice d’exploitation en arrêtant occasionnellement le procédé lors de certaines séquences pédagogiques. Il faudra attendre juin pour analyser cette seconde saison de chauffe, et communiquer sur les premiers résultats disponibles (un problème de chaudière a rendu les résultats de l’hiver 2017-2018 inexploitables). Manon constate : « La descente en température en fin de journée est plus progressive et n’occasionne plus de stress thermique pour les plantes, la qualité des végétaux s’améliore ». Environ 40 % d’économie de gaz sont espérés avec ce procédé, pour un coût de 25 000 €
Du fait du bassin de production peu tourné vers les productions ornementales et de l’image de qualité et compétence de l’établissement, les services espaces verts de près de 45 mairies travaillent depuis longtemps avec les serres du Mené. Manon Copin organise une journée annuelle sur le fleurissement pour les agents techniques, les élus. « En 2018 a été présenté du matériel de désherbage thermique pour répondre au défi du « zéro phyto » ; on illustre en photos certaines reconceptions de massifs faites avec les mairies pour des plantes moins consommatrices d’eau et avec davantage de vivaces par rapport aux annuelles… On incite à implanter des prairies fleuries et à réduire les jardinières plus gourmandes en temps et en intrants…»
Les étudiants en BTS Technico-Commercial « Jardins Végétaux d’Ornements » assistent avec intérêt à cette journée. Les étudiants organisent également d’autres évènements dans le territoire, comme une fête du printemps, occasion de sensibiliser les habitants à de nouvelles pratiques de fleurissement.
« Depuis deux ans, il y a une collaboration avec deux départements pour fleurir les écluses du Morbihan et d’Ile-et-Vilaine (le long de la Rance, du Blavet, de la Vilaine…) ; la perspective est de mieux communiquer sur des plantes locales, certifiées ‘’Plante bleue’’ ainsi que de tester des godets biodégradables pour la production des végétaux plantés au niveau des écluses.» ajoute Manon.
De multiples projets en accompagnement des évolutions des filières de l’horticulture et du paysage en Bretagne…
Les 3 questions de finDe quoi êtes-vous la + fière ? « On a une bonne image sur le territoire, on joue notre rôle pédagogique aussi par l’appui aux communes sur le fleurissement et les nouveaux enjeux. On y a beaucoup travaillé ces dernières années.» S’il fallait améliorer quelque chose ? «Avoir davantage un rôle de démonstration pour le grand public et les professionnels. On a encore beaucoup de choses à faire : développer plus de partenariats, leur apporter plus de réponses…» Un conseil pour mon éventuel successeur ? « Faire collectif : avancer avec la communauté éducative, ne pas y aller trop vite tout seul, sinon, il n’y arrivera pas. » |
Mai 2019 – Claire Durox et Régis Triollet, animateurs Reso’them de l’enseignement agricole