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Les étudiants de Morlaix étudient les abeilles sauvages

un véritable enjeu agricole dans le contexte de déclin des pollinisateurs 

Le lycée agricole de Suscinio à Morlaix participe au projet Phyt’Abeilles. Les apprenants peuvent ainsi pratiquer sur l’exploitation agricole des protocoles de sciences participatives pour approfondir les connaissances sur les abeilles sauvages pollinisatrices des cultures. Stage et journée banalisée sont organisés par l’équipe enseignante.

 

Un lycée engagé

Le lycée du Suscinio s’est inscrit dans le réseau du projet Phyt’Abeilles des établissements de l’enseignement agricole dès le début en 2022. Formées à la reconnaissance des abeilles sauvages dans le projet précédant Apiformes, Elise Breton technicienne de laboratoire et Elena Lemercier, enseignante en biologie-écologie, intègrent le projet dans leur enseignement. Elles participent aux réunions à distances et viennent aux stages organisés par la Bergerie nationale où elles rencontrent leurs collègues des autres établissements et les chercheurs du réseau.

Pour introduire le projet Phyt’Abeilles, Elena Lemercier s’est appuyé sur le module de capacité C4 du référentiel du BTS GPN* « Réaliser une expertise naturaliste : mise en œuvre de protocoles, recueillir des données écologiques à partir d’un protocole, réaliser un diagnostic de synthèse ». Dès la rentrée, une journée banalisée est destinée à la découverte du programme Phyt’Abeilles par les étudiants des quatre classes du BTS. Les étudiants d’une classe de 1ère année réalisent les protocoles sur une demi-journée préparée par deux stagiaires du BTS GPN.

En effet, le lycée propose un stage d’été aux BTS GPN de 1ère année sur son exploitation maraîchère, encadré par mesdames Lemercier et Breton. Conscients de l’intérêt des abeilles pour la biodiversité, Côme Lebris et Cylia Morin ont choisi ce stage.  Le fait que ce soit sur l’exploitation agricole leur permet d’être en contact direct et interactif avec le commanditaire du stage. En plus du travail sur la production et le suivi de biodiversité, Cylia réalisait une recherche bibliographique sur le déclin des pollinisateurs et Côme valorisait et communiquait sur le projet. Ce stage intégrait l’organisation d’une demi-journée de récolte de données par les autres étudiants de cette formation.

Des protocoles à s’approprier

Cylia et Côme ont collecté des données selon les protocoles du programme Phyt’Abeilles sur des planches de courgettes en plein air. Ils ont mesuré la densité florale, récolté le nectar des fleurs et mesuré son taux de sucre. Ils ont endormi et mesuré les abeilles sauvages qui butinaient les fleurs de courgette et capturé des abeilles domestiques. « On a eu un peu de mal au début pour appréhender les gestes techniques car c’est minutieux. On avait peur de ne pas bien manipuler les abeilles et surtout de leur faire du mal, même si elles sont endormies.  Dans le protocole d’identification, on avait peur d’abîmer les abeilles ou de les tuer. Pour la récolte de nectar, il ne fallait pas qu’il pleuve la veille car s’il était dilué par l’eau de pluie, les résultats risquaient d’être biaisés. » Une fois les appréhensions surmontées, Cylia et Côme ont récolté des données en début et pleine floraison. La dernière partie du protocole, fin de floraison, s’est déroulée pendant le passage en 2ᵉ année de BTS de Cylia et Côme en septembre. Ils ont ainsi encadré 28 apprenants d’une classe de 1ʳᵉ année du BTS lors de la journée banalisée du 12 septembre 2025.

Le projet Phyt’Abeilles

Le projet Phyt’Abeilles financé par l’OFB (Office français de la biodiversité) a débuté en 2022, animé par la Bergerie nationale de Rambouillet. Il regroupe plusieurs établissements de l’enseignement agricole de toute la France. La Région Bretagne est représentée par l’EPL de Morlaix. Phyt’Abeilles est un projet de sciences participatives qui cherche à relier les abeilles sauvages aux cultures. Les apprenants suivent les protocoles établis avec les chercheurs : Benoît Geslin du laboratoire Ecobio de Rennes, Lucas Aubouin doctorant au CEFE* de Montpellier, Mathilde Baude de l’IEES* , Nadira Taëb et Pierre-Henri Villard de l’IMBE* de l’Université d’Aix-Marseille. Leurs recherches portent sur la connaissance des abeilles sauvages pollinisatrices des cultures, sur ce que les cultures leur apportent en nectar et pollen et sur des effets potentiels de pesticides.

Il y a presque 1000 abeilles en France (exactement 985 recensées à ce jour). Le monde des abeilles sauvages est peu connu, certaines n’ont été identifiées que ces dernières années. Dans le contexte général du déclin de la biodiversité, le besoin de connaissances des pollinisateurs est primordial dans le fonctionnement des écosystèmes. En tant que super pollinisatrices, les abeilles sauvages sont en première ligne. C’est pourquoi le projet de sciences participatives Phyt’Abeilles donne aux chercheurs l’opportunité d’accéder à des données venant des exploitations de l’enseignement agricole en France. Les apprenants bénéficient d’un enseignement concret qui leur demande précision, sérieux et rigueur. Ils participent ainsi à un projet d’envergure nationale et même internationale car les données intègrent des bases de données plus larges sur les traits floraux et les traits des pollinisateurs. 

La ressource florale produite par les cultures aux pollinisateurs est documentée par l’estimation des fleurs et la récolte du nectar. Les mesures et l’identification des abeilles sauvages enrichissent les connaissances sur les espèces pollinisatrices des cultures. Les abeilles domestiques capturées sont envoyées à l’IMBE pour rechercher un éventuel stress oxydatif par observation moléculaire, génétique et cellulaire. Une étude du pollen ramassé par les abeilles donne une idée de la diversité des plantes pollinisées.

Une journée banalisée Phyt’Abeilles : théorie et pratique

Pour que ces nouveaux étudiants puissent réaliser les protocoles, Cylia et Côme ont construit l’atelier par étapes. Ils ont traduit les protocoles, simplifié leur présentation ainsi que la codification du tableur de recueil des données. En début de séance ils ont présenté les protocoles un par un, en expliquant à quoi ils servent. Ils ont commencé par la ressource florale, car le nectar se récolte le matin avant que les fleurs ne se referment. Les 28 étudiants ont ensuite réalisé les protocoles.

Des résultats scientifiquement exploitables

En 2024, deux stagiaires de la promotion précédente ont estimé la densité florale de la parcelle à 5000 fleurs /ha en milieu de floraison. 

En 2025, les apprenants ont prélevé 149 quantités de nectar et mesuré 119 taux de sucre. Ils ont mesuré 56 abeilles sauvages : la longueur du corps et la largeur entre les ailes, ce qui donne une idée de la distance de vol entre le lieu de butinage et le nid, pris la photo des ailes et de la scopa (emplacement d’une brosse de longs poils qui retiennent le pollen) pour l’identification. Trente abeilles domestiques sont directement envoyées aux chercheurs pour les études génétiques, histologiques et moléculaires. 

Toutes ces données récoltées, année après année, vont enrichir les bases de données des chercheurs. Cette participation active au programme de recherche est importante pour la connaissance des abeilles pollinisatrices des cultures et ici plus particulièrement des courgettes entomodépendantes à 95%.

Chaque année, les chercheurs font un retour sur les données récoltées. L’analyse des résultats de 2025, plus clémente météorologiquement, indiquera si les données sont comparables ou meilleures que celles de l’année 2024 très pluvieuse, ainsi que celles des années précédentes.

L’exploitation maraichère du Suscinio cultive une quarantaine de légumes en agriculture biologique sur une douzaine d’hectares sous abris non chauffés ou en plein champ et plus d’un hectare de vergers

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Un projet valorisé sur le territoire

La journée banalisée pour tous les étudiants du BTS GPN a fait l’objet d’un article de Ouest-France.  Côme a aussi présenté ce projet aux associations de Morlaix et a organisé une animation pour des classes de collégiens dans le cadre des cordées de la réussite et de la Fête de la science. Bien sûr, le lycée du Suscinio étant très actif sur les réseaux sociaux, Phyt’Abeilles a fait l’objet de post sur Instagram et Facebook. 

 

Un projet bien adapté au BTS GPN

Les étudiants de BTS GPN réalisent souvent des comptages naturalistes, pour des inventaires ou des diagnostics. Cela fait partie de leur référentiel. Mais les protocoles Phyt’Abeilles leur apportent en plus la possibilité de manipuler des animaux vivants avec du matériel très spécialisé. Endormir une abeille, la mesurer et la libérer requièrent de la minutie, de l’attention et de la rigueur. Même une fois partis vers d’autres formations ou vers la vie professionnelle, des anciens étudiants du BTS GPN s’en souviennent encore et en parlent à Elena Lemercier !

Cylia retient de ce stage des savoir-faire, la minutie d’ un protocole et « que ce n’est pas à prendre à la légère ». Le travail réalisé sur le tableur lui servira dans sa vie professionnelle. Et surtout elle a réalisé à quel point une espèce, ou un groupe d’espèces, agit sur l’environnement. Le stage a renforcé la passion de Côme pour les abeilles. Il a découvert l’exploitation et s’orienterait bien vers l’agriculture… respectueuse de la biodiversité bien sûr !

Le projet Phyt’Abeilles devrait se poursuivre encore un an et le lycée de Morlaix est prêt à poursuivre l’aventure avec une nouvelle promotion ! 

 

Avec le soutien financier de l’Office français de la biodiversité 

Contacts : 

Élena Lemercier : elena.lemercier(at)educagri.fr

Élise Breton : elise.breton(at)educagri.fr


BTS GPN : Brevet de technicien supérieur Gestion et protection de la nature

CEFE : Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive

IEES : Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris

IMBE : Institut méditerranéen de biodiversité marine et continentale

 

Décembre 2025 – Marie-Sylvie Auffret, chargée de mission au CEZ-Bergerie nationale