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L’agriculture biologique pour enseigner les transitions : retour sur le séminaire de clôture du projet ResAB

Le lycée agricole Naturapolis a accueilli à Chateauroux une journée marquant le clap de fin du projet ResAB. Ce projet, inscrit dans le plan Écophyto 2+, a mobilisé une douzaine d’établissements de l’enseignement agricole autour d’un objectif commun : reconcevoir les systèmes agricoles pour les rendre plus durables… en impliquant les apprenants et en s’inspirant de la bio.

Un projet au cœur de la transition

En ouverture, Ludovic Lambot, directeur du CFA–CFPPA Naturapolis, et Marion Lhôte, adjointe au chef du BDAPI de la DGER, ont rappelé les ambitions de ResAB : inscrire les établissements dans une dynamique d’innovation pédagogique et agronomique face aux défis écologiques. « Nous avons des arguments pour continuer à porter ces enjeux dans l’enseignement agricole », affirme Marion Lhôte, en lien avec la stratégie nationale Ecophyto et le renouvellement du plan Ambition Bio.

Valérie Vigier, de la DRAAF Centre-Val de Loire, souligne quant à elle l’intérêt des projets comme ResAB, dans une région où 60 % du territoire est constitué de surface agricole utile : « Ils font sens pour l’agriculture, mais aussi pour les apprenants. »

ResAB sur le terrain : un projet, mille manières d’agir

Julien Leroy, chargé de mission à la Bergerie nationale et coordonnateur du projet, a donné le ton en rappelant les objectifs de ResAB : rendre visibles les expérimentations, pédagogiques et techniques, menées dans les exploitations des EPLEFPA.

Puis vient la séance des posters. En cinq minutes, chaque équipe présente son cheminement vers une diminutions des produits phytosanitaires. À Châteauroux, les rotations longues, les légumineuses et la fertilité des sols sont devenues des leviers de transition. En zone périurbaine, des contraintes spécifiques comme l’interdiction d’épandage de fumier ou de traitements phytosanitaires ont poussé l’équipe à explorer des alternatives telles que la litière forestière fermentée (LIFOFER). Les étudiants, via les modules expérimentaux du BTS ACD (Agronomie et Cultures Durables), ont ainsi engagé des réflexions approfondies sur les microorganismes du sol et la gestion des couverts végétaux.

À Chartres, les BTS ACD ont travaillé sur les couverts d’interculture, même les courtes, en autoconstruisant du matériel de semis. À Perpignan, un verger d’abricotiers devient support pédagogique : gestion de l’irrigation, reconception des itinéraires techniques, le tout porté par des BP horticoles. À Saint-Flour, la reconception de l’atelier bovin lait en système bio a permis d’interroger la cohérence technico-économique du système dans son ensemble. À Belleville, ce sont des cochons nains et des brebis en éco pâturage qui cohabitent avec les vignes, sur fond de réflexion sur la place de l’arbre dans les crus du Beaujolais.

Rouffach, Auch, Carpentras, Caulnes, Sartène, Précieux : chaque site possède sa spécificité, son climat, ses contraintes, mais surtout ses solutions. De la gestion du campagnol dans les vergers à l’intégration des plantes à parfum aromatiques et médicinales dans les rotations, en passant par l’implantation de haies ou l’utilisation de couverts végétaux, les démarches sont multiples. 

ResAB devient la preuve que l’agroécologie se décline au pluriel.

Présentation des 12 projets d'établissement du réseau ResAB lors du séminaire de clôture

« Faire cours autrement, ou ne plus faire cours du tout » de la pédagogie à la pédamagie

La matinée se poursuit avec une table ronde sur les liens entre pédagogie et technique. Plusieurs enseignants témoignent. À Perpignan, Soline Picard, enseignante d’agronomie, travaille avec des publics en reconversion : « Je n’ai quasiment pas fait de cours, et pourtant ils ont restitué des concepts très poussés. J'appelle ça de la pédamagie ! » 

À Châteauroux, la pédagogie se structure autour des besoins des apprenants : « On ne compte pas les heures de cours, on part du projet, et les apports arrivent quand les BTS en expriment le besoin. » témoigne Cécile Hebert, enseignante en agronomie.

À Saint-Flour, ce sont les Bac Pro qui surprennent : « On ne les pensait pas capables d’aller aussi loin. Ils ont aimé être mis en position de chef d’exploitation, comprendre les conséquences en cascade de chaque décision. » détaille Franck Panafieu, enseignant de zootechnie. 

Résultat ? Des dynamiques collectives inédites, de la confiance, et parfois, des envies d’aller plus loin.

Dans le projet ResAB, cette dynamique est initiée par une commande passée par le directeur d’exploitation. Cette commande, ancrée dans une situation réelle et complexe, invite les apprenants à problématiser : c’est-à-dire à construire habillement une question à partir d’un enjeu concret, en s’appuyant sur ce qu’ils savent, en sélectionnant ce qu’ils souhaitent interroger, avec l'aide de leurs enseignants.

Les élèves, seuls ou en groupe, se mettent en enquête et construisent leurs savoirs : ils interrogent des professionnels, consultent la littérature, comparent des pratiques existantes… pour proposer ensuite plusieurs solutions envisageables au commanditaire. 

Cette démarche pédagogique transforme l’enseignement en une expérience vivante d’analyse, de recherche et de proposition, au plus proche de la complexité du monde agricole.

Agriculture et énergie : la lucidité de Petros Chatzimpiros

L’après-midi, Petros Chatzimpiros, chercheur à l’Université Paris Cité, attaché au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED), propose un changement de focale. Sa conférence, limpide et percutante, questionne la place de l’agriculture dans un monde en contraction énergétique.

Comparant les puissances mises en jeu (d’un humain à une fusée), il met en lumière la dépendance totale du système agricole actuel aux énergies fossiles : « Aujourd’hui, aucune agriculture n’est sans énergie fossile. Même les plus vertueuses importent des intrants qui en consomment. » Il rappelle que depuis les années 1960, l’agriculture française ne dépend plus de sa propre biomasse pour produire de l’énergie, grâce à l’abondance du pétrole bon marché. Cette rupture a permis une spécialisation accrue, une mécanisation massive et l’élargissement des surfaces cultivées. Mais aujourd’hui, cette même dépendance énergétique pourrait devenir un verrou. Petros Chatzimpiros insiste : « il faudra tôt ou tard remettre en cause certaines pratiques intensives, et imaginer des systèmes sobres, autonomes, capables de fonctionner avec moins d’énergie fossile, en repensant la place des animaux, des machines et des flux logistiques dans les systèmes agricoles. »

Entre nécessité de relocalisation, limites de la mécanisation électrique et efficacité paradoxale de l’industrie des phytosanitaires, le propos fait mouche : « Ce qui compte, c’est notre capacité à adapter les usages, pas juste les technologies. »

Des idées pour demain : les suites à construire ensemble

La table ronde de l’après-midi ouvre sur les suites possibles. 

Philippe Camburet (FNAB) appelle à « passer par la case apprenants » : impliquer les futurs professionnels dans les réflexions et expérimentations. Il insiste également sur la nécessité de mieux articuler formation et action de terrain, en s’aidant notamment de la convention entre la FNAB et le MASA, pour accélérer le transfert de compétences vers les futurs agriculteurs.

Jean-Baptiste Jamin, paysan-boulanger, confirme : « On a besoin de ces regards jeunes, ça nous oblige à nous remettre en question. » Il salue la pertinence des projets menés dans les EPLEFPA et le regard neuf qu’apportent les élèves sur les pratiques agricoles.

Christian Peltier, chercheur en pédagogie, conclut : « Il faut se poser les questions, avec le panel des solutions possibles, mais sans jamais perdre de vue l’horizon : la durabilité. » Il rappelle que les transitions agroécologiques nécessitent des collectifs d’acteurs, un temps long, et une culture de l’expérimentation partagée entre enseignants, élèves et professionnels du territoire.

Et maintenant ?

À l’heure des bilans, la majorité des EPLEFPAparticipants affirment vouloir continuer. Certains prolongeront leurs expérimentations système sur plusieurs années. D’autres feront évoluer leur pédagogie, leur relation au territoire ou à la profession. 

Les limites ? Le temps, les moyens, les contraintes administratives… Mais l’élan est là !

Comme l’a rappelé en clôture Marion Lhôte, il faudra s’appuyer davantage sur des experts associés pour accompagner les enseignants dans leur montée en compétence. Et comme l’ont montré les posters et les témoignages, ResAB a été bien plus qu’un projet : une nouvelle manière d’apprendre l’agriculture, par l’action, la réflexion, et l’expérimentation. Il a semé des idées, peut-être suscité des vocations. 

Comme toute graine qui germe, les effets de ce projet ne se mesureront pas seulement demain, mais bien au fil des saisons, dans les gestes qui changent, dans les regards qui s’ouvrent, dans les sols qu’on soigne.

Il restera de cette aventure un sillon creusé collectivement, dans lequel d’autres pourront semer à leur tour.

Entre valse des posters, partages d’expériences, réflexions pédagogiques et conférence sur l’avenir énergétique de l’agriculture, l’événement a montré que la transition agroécologique peut (et doit) s’enseigner autrement. 

Contacts :

Ludovic Lambot, directeur du CFA – CFPPA à l’EPL de Châteauroux Naturapolis,

ludovic.lambot(at)educagri.fr 

Marlène Chirault, directrice adjointe à l’EPL de Châteauroux Naturapolis,

marlene.chirault(at)educagri.fr

Cécile Hebert, enseignante d’agronomie à l’EPL de Châteauroux Naturapolis, 

cecile.hebert(at)educagri.fr

Jocelyn Brichet, directeur d’exploitation à l’EPL de Châteauroux Naturapolis, 

jocelyn.brichet(at)educagri.fr

Soline Picard, enseignante d’agronomie à l’EPL Perpignan-Roussillon,

soline.picard(at)educagri.fr

Rafaëla Urbina, directrice d’exploitation à l’EPL de Perpignan-Roussillon,

rafaela.urbina(at)educagri.fr

Franck Panafieu, enseignant de zootechnie à l’EPL de Saint-Flour,

franck.panafieu(at)educagri.fr

Cédric Longue, directeur d’exploitation à l’EPL de Saint-Flour,

cedric.longue(at)educagri.fr

Nicolas Chaffurin, directeur d’exploitation à l’EPL de Belleville-en-Beaujolais,

nicolas.chaffurin(at)educagri.fr

Philippe Langilier, formateur viticulture-œnologie à l’EPL de Belleville-en-Beaujolais,

philippe.langilier(at)educagri.fr 

Didier Thareau, directeur d’exploitation à l’EPL de Caulnes, 

didier.thareau(at)educagri.fr

Benjamin Pierron, directeur d’exploitation à l’EPL Campus Provence Ventoux, benjamin.pierron(at)educagri.fr

Henri Benoit Folio, enseignant d’agronomie et techniques horticoles à l’EPL Campus Provence Ventoux,

henri-benoit.folio(at)educagri.fr 

Marc Bassery, directeur d’exploitation à l’EPL de  Saint-Yrieix-la-Perche,

marc.bassery(at)educagri.fr

Nicolas Cartier, enseignant d’agronomie - productions végétales à l’EPL de  Saint-Yrieix-la-Perche,

nicolas.cartier(at)educagri.fr

Delphine Pouil, enseignante d’agronomie - productions végétales à l’EPL de  Saint-Yrieix-la-Perche,

delphine.pouil(at)educagri.fr 

Jean-Luc Rouet, directeur d’exploitation à l’EPL Auch-Beaulieu-Lavacant,

jean-luc.rouet(at)educagri.fr

Alix Armengaud, directrice d’exploitation à l’EPL de Poitiers Venours,

alix.armengaud(at)educagri.fr

Eric Cnocquart, directeur d’exploitation à l’EPL de Précieux (Campus Agronova),

eric.cnocquart(at)educagri.fr

Corinne Leandri,formatrice de zootechnie, agroécologie, agronomie, hygiène et transformation laitière à l’EPL de Sartène,

corinne.leandri(at)educagri.fr

Franck Roussel, directeur adjoint aux exploitations à l’EPL de Rouffach,

franck.roussel(at)educagri.fr

Christine Lagel, enseignante d’agronomie à l’EPL de Rouffach,

christine.lagel(at)educagri.fr

Clémence Isac, directrice d’exploitation à l’EPL de Chartres La Saussaye,

clemence.isac(at)educagri.fr

Avril  2025 – Julien Leroy, chargé de projet Agriculture Biologique au CEZ-Bergerie nationale, et Hervé Longy, animateur Réso'them de l'enseignement agricole.