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Animation et développement
des territoires
de l'enseignement agricole

A Pontivy, on expérimente la conciliation entre énergie, IA et transitions 

L'exploitation du Gros Chêne du Campus Science et Nature du Morbihan mise sur l'innovation technologique pour concilier performance économique et transitions. Avec sa station de méthanisation pilotée avec l'aide de l’intelligence artificielle , l'établissement breton explore les potentialités du numérique au service d'un système d'élevage en pleine évolution.

Une exploitation diversifiée au cœur des enjeux énergétiques

L'exploitation agricole du lycée du Gros Chêne s'étend sur environ 75 hectares et développe plusieurs ateliers de production. Le troupeau laitier compte 60 vaches Prim Holstein qui constituent l'un des piliers du système de production, aux côtés d'un atelier porcin naisseur-engraisseur sur paille, d’un atelier de poules pondeuses respectant le cahier des charges agriculture biologique et d'un magasin de producteurs regroupant 16 agriculteurs locaux. Mais c'est surtout la station de méthanisation qui fait aujourd'hui la spécificité et la réussite économique de cette exploitation pédagogique. Cette unité de méthanisation en injection directe, d'une capacité contractuelle de 50 Nm3(« normo mètres cube) par heure, représente bien plus qu'un simple outil de valorisation des effluents d'élevage. Elle constitue une part importante de la capacité d'autofinancement du campus, faisant de cet atelier un moteur économique pour l'établissement.

L'intelligence artificielle au service de l'optimisation énergétique

Depuis 15 mois, l'exploitation expérimente une solution innovante développée par l'entreprise Nevezus : Biogaz-IA, un système d'assistance et d'optimisation des sites de méthanisation par intelligence artificielle. Cette technologie a ainsi pour objectif d’améliorer la gestion automatisée des processus du méthaniseur.

Le système fonctionne selon un principe d'apprentissage automatique qui collecte les données toutes les 10 secondes pour ajuster en temps réel les paramètres de fonctionnement. Après une phase initiale de calibration de plusieurs mois, l'intelligence artificielle a déjà montré des résultats significatifs : 35% de réduction de la consommation électrique et une optimisation significative de la production gazière.

L'outil intervient actuellement sur deux phases critiques du processus. D'une part, il optimise les heures d'épuration du biogaz en fonction des tarifs heures creuses/heures pleines, permettant de minimiser les coûts énergétiques lors des phases les plus consommatrices d'électricité. D'autre part, il pilote finement le processus d'épuration lui-même, gérant la pression dans les colonnes de charbon qui séparent le méthane du CO2, tout en garantissant le respect de la réglementation environnementale.

Des défis techniques et économiques surmontés

L'exploitation du Gros Chêne a joué un rôle de ferme pilote dans le développement de cette solution innovante. C'est l'ancien directeur d'exploitation, Bernard Jolis, qui a initié ce partenariat avec l’entreprise bretonne spécialisée dans l'optimisation du fonctionnement des sites de méthanisation.  Cette collaboration, a permis de tester et d'affiner la solution en conditions réelles d'exploitation.
Après une phase initiale de calibration de plusieurs mois durant laquelle l'intelligence artificielle a collecté et analysé les données de fonctionnement du méthaniseur, le système est passé en mode opérationnel. Cette approche collaborative a nécessité des négociations techniques complexes pour connecter l'outil Biogaz-IA à l'interface du constructeur de l’installation de méthanisation sur la partie épuration.  
Depuis l’arrivée , en septembre 2024, du nouveau directeur d’exploitation, Mickaël Tanguy, la mise en œuvre de cette technologie s'est également accompagnée d'un programme de maintenance préventive rigoureux. L'équipe a ainsi identifié les points critiques nécessitant une attention particulière. Cette approche proactive a conduit à des investissements ciblés pour maintenir la performance de l'installation et bien valoriser l’optimisation de la production permise par l’IA.
La question de l'approvisionnement en intrants du méthaniseur constitue également un enjeu majeur. Alors que les effluents de l'exploitation ne permettraient de produire que 17 mètres cubes par heure, l'atteinte de l'objectif contractuel de 50 mètres cubes par heure nécessite le recours à des intrants extérieurs issus de l’industrie agroalimentaire locale (graisses d’abattoir par exemple), et occasionnellement du maïs ensilage si nécessaire. Cette dépendance aux marchés extérieurs expose l'exploitation aux fluctuations de prix, certains déchets autrefois gratuits étant désormais payants du fait de la concurrence entre méthaniseurs. 
 

Une transition vers un système plus herbager

Parallèlement à l'optimisation technologique de la méthanisation, l'exploitation souhaite améliorer l'autonomie alimentaire du troupeau laitier en valorisant davantage l'herbe. Cela se concrétise par l'adhésion à la MAEC Autonomie fourragère de niveau 2 , qui impose des contraintes précises : maximum 18 % de maïs dans la Surface Fourragère Principale, 70 % de la surface en herbe et 800 kg de concentrés par UGB maximum. Cette transition implique une réduction du cheptel laitier de 60 à 50-55 vaches, avec pour objectif d'optimiser les marges plutôt que la production brute. Le passage à un système pâturant pose de ce fait des défis pour l'alimentation du méthaniseur, la sortie des animaux au printemps réduisant la disponibilité en effluents liquides. Des partenariats avec des exploitations voisines devrait permettre de compenser ce manque par des échanges fumier/digestat.

Des investissements en prévision

Grâce à un soutien financier du Conseil régional de Bretagne, plusieurs projets structurants sont prévus très prochainement : une salle de traite 2x6 postes par l'arrière, des stations individuelles d'alimentation en engraissement pour l'atelier porcin en partenariat avec la Cooperl , la pose de panneaux photovoltaïque en toiture et l'aménagement des chemins d'exploitation…
Point important, le projet d’ajout d’un post-digesteur  à l’unité de méthanisation  constitue un autre axe d'investissement prometteur. En doublant le temps de séjour de la matière organique de 40 à 80-100 jours, cette installation permettrait d'exploiter davantage le potentiel méthanogène des intrants et d'améliorer encore significativement la rentabilité de l'unité.

Un support pédagogique pour interroger la technologie

L’évolution du système d'exploitation du Gros Chêne offre un support pédagogique concret pour questionner l'évolution de l'agriculture. L’établissement a développé notamment un Module d’Initiative Locale (MIL)  « Energie » dans le cadre de sa formation BTSA ACS’Agri  et dispose également dans sa carte de formation du Certificat de Spécialisation Responsable d’une Unité de Méthanisation Agricole (CS RUMA) qui trouvent ici un terrain d’apprentissage complet. 
L'intégration de l’IA soulève des questions fondamentales qui peuvent nourrir des réflexions pédagogiques : comment l'expertise humaine se positionne dans un système qui s'auto-corrige en permanence ? L’entreprise envisage notamment le développement d'un agent IA conversationnel pour simplifier l’analyse du fonctionnement du méthaniseur par l’opérateur et mieux l’accompagner dans le pilotage de celui-ci. Cela interroge également l’évolution du rôle de l’opérateur et de ses compétences.  Il apparait aussi dans le fonctionnement de ces outils des enjeux de souveraineté technologique, notamment autours des données (accès aux données, interopérabilités…). Autant de sujets pouvant permettre aux apprenants de développer une réflexion critique sur l’usage des solutions numériques sur les exploitations.

Vers une ferme "élevage-énergie" de référence

L'exploitation du Gros Chêne dessine aujourd’hui les contours d'un modèle alliant production agricole et production énergétique. Avec la méthanisation pilotée par IA,  les futurs panneaux photovoltaïques et la transition vers un système plus herbager, l'établissement propose ainsi une approche autours des énergies renouvelables et d’une recherche d’une agriculture plus « bas carbone » .
Cette évolution s'accompagne aussi d'une réorganisation de l'activité : fermeture probable de l'atelier avicole déficitaire , optimisation de l'atelier porcin avec les nouvelles technologies d'alimentation, et développement de partenariats locaux pour la gestion des intrants et du digestat.

Témoignage d’une reconversion réussie

"C'est prenant mais super enrichissant. On touche vraiment à beaucoup de choses", confie Mickaël Tanguy, le directeur d'exploitation, ancien enseignant reconverti depuis un an. Ce changement de statut, facilité par sa connaissance préalable de l'établissement, lui permet de "dérouler ce qu'[il] avait déjà en tête" malgré un contexte technique complexe.
La gestion d'une "usine à gaz" avec ses multiples ateliers et technologies représente un défi quotidien, nécessitant une montée en compétences permanente sur des domaines aussi variés que la zootechnie, la maintenance industrielle et la gestion énergétique.

Le 3 juillet 2025, le Campus Science et Nature du Morbihan a accueilli le Forum de l'enseignement agricole breton sur le thème : "Intelligence artificielle : enjeux, usages et perspectives pour l'enseignement agricole", un rendez-vous majeur pour les acteurs de la formation. Réunissant plus d'une centaine de personnes, enseignants, formateurs, intervenants, cette journée a permis d'explorer les impacts de l'IA sur les pratiques pédagogiques, les métiers de l'agriculture et les transitions.
Au programme, plusieurs temps forts ont rythmé les échanges : une table ronde sur "L'IA au service des apprentissages : outils et pratiques innovantes", une autre consacrée à "L'intelligence artificielle et les compétences de demain", ainsi qu'un espace de témoignages d'établissements engagés dans des expérimentations concrètes. Les participants ont particulièrement apprécié l'alternance entre apports théoriques, retours d'expériences et mises en pratique, qui a nourri une réflexion collective sur les évolutions en cours. Vous pouvez retrouver le programme, les ressources et les interventions sur cette page du site de la DRAAF Bretagne qui organisait cet évènement.
La date du prochain forum de l'enseignement agricole, programmé le 2 juillet 2026, portera sur le thème : « La citoyenneté"

Les chiffres clés de l'exploitation

Surface totale : 75 ha environ

Cheptel : 60 vaches laitières Prim Holstein + atelier porcin et poules pondeuses

Méthanisation : 50 m³/h de biogaz contractualisé

Salariés : 5 ETP

Contacts utiles

M Grattepanche Frédéric, Directeur EPL : frederic.grattepanche@educagri.fr

M Tanguy Mickaël, Directeur d'exploitation : mickael.tanguy@educagri.fr

Mme Zanchi Emmanuelle, chargée de mission ADT, DRAAF-SRFD Bretagne : emmanuelle.zanchi@agriculture.gouv.fr

Site internet de l'établissement : Campus Sciences et Nature du Morbihan

 

Septembre 2025 – Vincent Jéhanno, animateur Réso'them de l'enseignement agricole