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Bourges vise une agriculture de conservation en zéro glyphosate

Le 10 juin dernier, des experts du comité de suivi du projet CASDAR GLYPHOS’EPA se sont rendus à l’exploitation agricole de l’EPLEFPA Bourges Le Subdray. Les acquis obtenus en agriculture de conservation du sol permettent d’envisager une sortie progressive du glyphosate, en s’appuyant sur l’acquisition d’agroéquipements pour le travail sol en surface et, à plus long terme, en jouant sur l’utilisation du troupeau ovin pour maîtriser les adventices.

Trois types de sols contrastés orientent les systèmes de culture

L’exploitation agricole de l’EPLEFPA du Cher est située au sud de Bourges en Champagne Berrichonne. Depuis 2015, elle a développé l’agriculture de conservation des sols (ACS) et l’agroforesterie (développement des haies et plantations intra-parcellaires sur 12 ha) par des parcelles test et de nouvelles rotations, encore en évolution aujourd’hui. Il n’y a pas d’irrigation et la contrainte climatique reste importante en cas de sécheresse. Jusqu’en 2021, le glyphosate y était encore utilisé car plusieurs plantes vivaces et graminées posaient problèmes sur une partie de ses sols : chardons, rumex, ray grass, vulpin et vulpie. Le principe de l’orientation de la conduite du système de production en ACS a engendré une augmentation de l’enherbement des parcelles, le compactage des sols  et une diminution des rendements des cultures. La directrice d’exploitation, Francine Gascoin, arrivée en 2019, fait évoluer le système en arrêtant momentanément la globalisation de l’ACS sur toutes les surfaces et en variant les pratiques pour se donner plus de souplesse. L’exploitation bénéficie d’un parcellaire en grande partie regroupé près des bâtiments d’exploitation et du lycée agricole en un seul bloc cultivé. Cependant, le découpage des parcelles n’a pas tenu compte des types de sols qui sont très variés. Pour s’adapter à ce contexte, trois systèmes de cultures ont été mis en œuvre.  Le premier se situe sur sols légers et à faible potentiel avec trois années de luzerne ou de prairie suivi d’un blé d’hiver puis d’une orge d’hiver. C’est dans ce système que l’agriculture de conservation des sols (ACS) a été mise en œuvre et que le glyphosate a été utilisé jusqu’à présent. Les deux autres systèmes sont travaillés en labour du fait de l’invasion de vivaces de certaines parcelles. Ce sont des sols avec un potentiel de rendement plus élevé. Dans le second système de culture, le méteil MCPI (Mélange de céréales protéagineux immatures) ou la luzerne et le sorgho fourrager servent à nettoyer les sols. Ils sont ensuite suivis d’un blé d’hiver et d’une orge d’hiver. Les sols les plus propres (troisième système) sont réservés aux protéagineux (pois et féverole) ou au tournesol suivis ensuite de blé d’hiver et d’orge de printemps. La directrice d’exploitation souhaite également pouvoir améliorer l’autonomie alimentaire des cheptels en augmentant les surfaces fourragères.

Maîtriser le travail du sol reste la clé

L’utilisation du semoir « Novag TForce 340 » acquis par l’exploitation permet de semer directement des mélanges complexes (la trémie principale a 2 compartiments et la trémie auxiliaire du semoir permettant de gérer les mélanges d’espèces à petites et grosses graines) et d’envisager un développement de l’ACS sur d’autres parties du parcellaire. Si le labour reste encore largement utilisé, l’objectif est de le diminuer progressivement tout en développant un travail plus superficiel du sol. Le chef de culture Emmanuel Sergent, également arrivé en 2019, précise : « l’utilisation d’un outil à dents serait nécessaire pour remonter les rhizomes en été pour les dessécher plutôt que la pratique d’un déchaumage qui favorise la dissémination de certaines adventices. »

La directrice d’exploitation, Francine Gascoin indique pour sa part que « le labour systématique est encore utilisé sur une partie de l’exploitation par manque d’outils de travail du sol mais il serait possible de louer ce matériel à un agriculteur du voisinage. ». Pour elle « L’agroécologie, c’est faire avec le vivant. », ce qui signifie que le développement de l’ACS avec le volet des couverts végétaux aurait un impact favorable sur les sols en faisant remonter le taux de matière organique qui a eu tendance à diminuer ces dernières années (1,9 % en cultures et 3 % en prairie). En effet, précise Emmanuel : « l’utilisation de fumier était insuffisante aussi nous l’avons épandu sur 40 ha en 2022 à raison de 20 T/ha. A ce rythme, chaque parcelle recevra du fumier tous les trois ans. »

Afin d’être démonstrative sur son territoire, l’exploitation agricole devra combiner l’ACS avec des techniques culturales simplifiées (TCS) tel l’usage d’un scalpeur et le labour superficiel raisonné à l’échelle de la rotation pour sa fréquence de retour. Cela répondra à des besoins de nettoyage des vivaces et des graminées sur des parcelles très infestées actuellement. « L’objectif est d’améliorer la structure des sols, le taux de matière organique, l’autonomie fourragère et la productivité » rajoute Francine.

L’écopâturage comme alternative

La présence d’élevage (atelier bovin allaitant de 40 Charolaises et atelier ovin de race Romane) permet d’enrichir le sol en matière organique. Compte tenu de l’assolement regroupé et de la possibilité de réaliser des clôtures, Le troupeau ovin représente un potentiel intéressant pour brouter les adventices et particulièrement les pousses de Ray Grass. Leur pâturage contribuerait fortement à leur maîtrise. Reste à mettre en place des passages aux stades les plus pertinents en fonction des cycles culturaux. C’est l’installation de clôtures fixes qui sera l’élément déterminant pour activer ce levier. Leur utilisation permettra de palier les limites du travail du sol particulièrement en ACS. Cette pratique sera également bénéfique à l’atelier ovin car cela deviendra une nouvelle source de fourrage, dans un contexte où le changement climatique montre de plus en plus ses effets et pourrait impacter la production fourragère de l’exploitation. Ce serait donc un levier de résilience vis-à-vis des périodes de sécheresse à venir

Parmi les perspectives, la diversification végétale reste aussi une voie à expérimenter pour valoriser la commercialisation. Afin de développer la vente au détail en magasin, Francine envisage d’expérimenter sur une faible surface et selon leur potentiel local, le quinoa, le pois chiche ou les lentilles. Cette année, la culture d’épeautre devrait donner des résultats intéressants.

« L’utilisation pédagogique de la ferme est importante au Sollier avec des bacs pros y compris en SAPAT, en maintenance des matériels, des STAV (en agroforesterie), des BTSA ACSE, en TSMA et la présence d’enseignants en agronomie (2 sur le lycée et 2 sur le CFPPA-CFA), en agroéquipement (3 au CFA et un au lycée) en zootechnie (3) et en économie-gestion (2)» précise le directeur de l’EPLEFPA, Vincent Dufraisse lors de la restitution de cette visite qui lui a été présentée en fin de journée.

L’enseignant en agronomie, Ludovic Dubuisson, 1/3 temps et référent EPA de l’établissement, souhaite pouvoir impliquer notamment les étudiants BTSA ACSE sur les dynamiques de projets de la ferme et en particulier sur les expérimentations en matière de transitions agroécologiques afin que les étudiants puissent développer des compétences en matière d’aptitude à l’analyse de situations complexes, de changement et d’innovation ; une nouvelle manière de s’impliquer sur la ferme de l’établissement et de s’entraîner, s’exercer dans le but de se professionnaliser et se préparer aux évolutions des métiers.

En conclusion, l’adaptation du travail du sol aux conditions locales avec une évolution nécessaire du parc matériel, l’utilisation des ovins et l’appui pédagogique permettent d’envisager une sortie progressive puis définitive du glyphosate tout en développant une approche pragmatique et souple de l’agriculture de conservation des sols.


Les chiffres clés de l’exploitation

  • Surface totale : 213 ha dont 100 ha en cultures de vente (blé, orge, triticale, protéagineux et tournesol). Le reste est en élevage ou en bois : 40 vaches allaitantes charolaises et 200 brebis romanes pour 200 agneaux vendus par an. Espace test en maraîchage de 4,5 ha.
  • Productions : viande (charolaise et brebis romane), cultures de vente, maraîchage
  • Salariés : 3 ETP (grandes cultures, élevage et maraîchage) hors DEA
  • Chiffre d’affaires (2021) : 250.000 €

Contacts utiles


 

Juillet 2022 – Philippe Cousinié et Vincent Jehanno, animateurs Réso'them de l'enseignement agricole